St. Vincent et Groenland au Métropolis de Montréal – Bible urbaine

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St. Vincent et Groenland au Métropolis de Montréal

St. Vincent et Groenland au Métropolis de Montréal

L’art de maîtriser les dichotomies

Publié le 6 juillet 2014 par Emmy Côté

Crédit photo : Dana Rosu

St. Vincent a électrisé le Métropolis hier soir et en a jeté plus d’un par terre (une métaphore, évidemment!) avec son concert aux qualités déconcertantes offert dans le cadre du Festival international de Jazz de Montréal. De ses chorégraphies minutieuses, expressions corporelles de cette liberté qu’elle ne craint pas de s’approprier, elle a d’abord ensorcelé les spectateurs. Mais, c’est au final sa guitare, sa superbe guitare, celle qui, frénétique, déchire et fait hurler des notes métalliques se fracassant comme du cristal dans la salle, qui a coupé le souffle de tout le monde.

Élégamment habillée de noir, l’épaule gauche épinglée d’une énorme fleur dorée impossible à ignorer, arborant deux tresses françaises symétriques, descendant de part et d’autre de son crâne, St. Vincent a lancé son spectacle d’une chorégraphie surprenante.

Indéniablement troublante, l’artiste originaire de l’Oklahoma se rapprochait de son micro en de petits pas rapides et robotiques. Elle bougeait la tête, les bras et les hanches en respectant des mouvements gracieux et courbes, qui parvenaient aussi à conserver toutes les réticences mécaniques d’un automate. Annie Clark prenait les airs d’une créature enchanteresse et… machiavélique. Impossible de détourner le regard, on s’éprenait d’elle. Quel magnétisme elle dégageait! Et elle a ouvert la danse avec la piste numéro un de son plus récent album, un bloc ferme de pop rock mélodique, soit «Rattlesnake».

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St. Vincent en mettait déjà plein la vue. Et attention: elle ne tarderait pas non plus de s’acharner sur nos tympans! Avant la fin de la première chanson, on est venu lui remettre sa guitare. Telle une princesse diabolique, elle s’est mise à fusiller la salle du 59, rue Sainte-Catherine d’un enchaînement de notes agressives et diffuses. L’ouverture du concert était absolument ingénieuse. Il n’est pas étonnant que la critique se pâme devant miss Clark, peu d’artistes réussissent à créer un univers sonore et visuel aussi emballant que le sien.

En ce début de prestation, les trois autres musiciens (Matthew Johnson, Daniel Mintseris, Toko Yasuda) se trouvaient assez éclipsés, discrets dans l’ombre, derrière leurs instruments (batterie, clavier et guitare) et appareils électroniques (moog). N’empêche que leur contribution n’était nullement secondaire, la musique résonnant avec beaucoup de précision. Plus tard, au cours de la soirée, Yasuda allait prendre plus de place, guitare électrique à la main, pour suivre les pas de St. Vincent.

Après «Digital Witness», la chanteuse a offert «Cruel», un morceau phare de l’album Strange Mercy (2011). Pour en ajouter à sa mise en scène désarmante, les jets de lumières verts, jaillissant d’au moins quatre projecteurs, ratissaient vers la salle. Elle, Annie Clark, était entièrement peinte d’une lumière jaune. Tout semblait réglé au quart de tour. Un constat: Annie Clark demeure avant tout perfectionniste, même si elle se permet de l’étrange.

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«A special welcome to the freaks… and the others», a-t-elle lancé d’ailleurs ensuite. «Marrow» a suivi de près. «H-E-L-P, Help me, Help me» qu’elle chantait, répétait avec conviction. Il était difficile de ne pas sauter dans l’élan musical énergique de ce retour à Actor (2009). Mentionnons aussi que plusieurs auraient secouru la belle avec empressement. Nul doute ne subsiste en ce qui concerne cet admirateur qui lui a crié haut et fort «I Love You» plus tard pendant le concert.

Au commencement de «I Prefer Your Love» (to Jesus), la foule a été étonnée de retrouver St. Vincent étalée sur un palier à trois niveaux de couleur rose pâle, y étant étendue aussi gracieusement qu’une sirène sur un rocher. Sa voix douce et féminine était manipulée à la perfection. Elle chantait naturellement, comme si cela ne lui requerrait d’efforts.

Avant d’entamer «Surgeon» et ses implorations machinales «Come, cut me open», St. Vincent a rappelé cette expérience du feu qui peut naître d’un verre surchauffé par les rayons d’un soleil plombant d’été. Elle parlait de ce feu qu’on craint d’abord, ce feu qu’on apprivoise, ce feu qu’on laisse (peut-être) ravager… Elle hypnotisait par ces histoires qui créaient du sens, mais qui conservaient toute une originalité qui lui est propre. Théâtrale et inclassable St. Vincent, c’est le moins qu’on puisse dire.

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«Cheerleader» et «Prince Johnny» ont été interprétées, tandis qu’elle se tenait debout en hauteur, au sommet de son stand. «I I I I I don’t want to be you cheerleader no more» faisait foi de sa personnalité forte et intelligente. La deuxième chanson, prenante et magistrale, se délectait sagement.

«Regret» et «Huey Newton» ont enflammé à nouveau la salle de leurs guitares lourdes. La chanteuse de 31 ans maîtrise l’art de passer d’un calme mélodique à une cacophonie interminable. Indissociable de sa personnalité musicale, son instrument fait partie de son être, il est le prolongement de ses émotions complexes et contradictoires qu’elle libère et soumet.

La foule se montrait assourdissante avant le rappel qui a débuté par «Chloe in the Afternoon». Clark a pris le temps ensuite de remercier chaleureusement ses musiciens: son «digital priest», sa «evil butterfly» et son «architect of the sound». Elle a conclu son show enlevant avec «Your Lips are Red» (Marry Me). Musicalement, c’était pesant, visuellement, aveuglant et coloré. Au cours de la dernière minute, la folie semblait s’être emparée d’elle, tandis qu’elle était couchée sur le sol, le bassin relevé, le torse bombé et la tête courbée vers l’arrière, juste avant de retomber à plat, la note finale complètement éteinte. Quelle artiste inspirante!

Groenland

Groenland avait du coeur au ventre hier soir en offrant généreusement treize chansons, dont toutes figuraient sur l’album The Chase parue l’an passé, sauf une qualifiée de «nouvelle». L’environnement sonore festif et complexe de la horde de six musiciens, parfois de huit, a offert une première partie étoffée qui n’aura pas déçu les fans… comme les autres. Les chansons de rock indie, inspirées et vivantes, ont dégourdi le public qui s’installait pour une longue soirée.

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Les cuivres ajoutaient une belle touche lumineuse et jazz au corpus. «Daydreaming» constituait un bel effort tranquille et enveloppant. «Some of Us» permettait à Sabrina Halde de mettre de l’avant sa belle voix riche qui fait penser à celles de Regina Spektor et de Julia Stone. «Criminals», autrement, laissait toute la place pour sautiller et taper dans les mains. C’est probablement l’un des beaux groupes collaboratifs de l’heure au Québec. «Le plus bel été de leur vie», ont–ils affirmé. On leur souhaite que la chance continue de leur sourire ici, comme ailleurs.

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