Carotté, Bodh’aktan, Mon Doux Saigneur et l’ultimus Bernard Adamus aux FrancoFolies 2016

Un soirée punklorique et folk

Publié le 18 juin 2016 par Elise Lagacé

Crédit photo : Mathieu Pothier

Pour les amateurs de musique québécoise folk et trad, les FrancoFolies nous offraient, jeudi soir, deux programmes doubles solides où personne n'a mâché ses mots. À l'Astral, c'est le groupe Carotté qui a mis la table pour Bodh'aktan dans une soirée de trad actualisée et au Métropolis, l'introspectif Mon Doux Saigneur a offert un contrepoids intéressant à l'expansif Bernard Adamus, qui a tout donné sur ces mêmes planches. On l'a retrouvé avec bonheur dans une formule mettant en vedette un full band aussi renversant que lui. D'un côté comme de l'autre, des foules dansantes, sautantes et totalement déchaînées étaient au rendez-vous.

Ce sont les membres du groupe de trad-punk («punklore», suivant leur propre néologisme) Carotté qui se sont lancé les premiers sur la scène de L’Astral devant une foule qui a vite transformé l’avant-scène en mosh pit bon enfant. Très énergique, d’une dégaine un peu toute croche mais étudiée, le sextuor a peuplé la scène avec enthousiasme, quoique la sonorisation de l’endroit n’aidait en rien la voix du chanteur: un métissage réussi entre le punk et le trad bûchait joyeusement.

Il y a chez Carotté une mesure et un soin du détail que l’on perçoit, entre autres, dans les costumes, où le carotté est à l’honneur et qui s’avèrent plus recherchés qu’ils ne paraissent au premier abord, un peu à l’image de la musique du groupe. Du trad, malgré l’enrobage punk, qui s’enracine les deux pieds dans le sol qu’incidemment le leader cultive autant que sa musique.

Vinrent ensuite les imposants barbus de Bodh’aktan, qui ont laissé leurs mélodies les précéder dans l’obscurité. Ici, un septuor de rock-trad aux influences multiples, mais plus portées vers le large que les terres. Avec une mise en scène plus classique et des interactions plus étudiées, le groupe impressionne par une énergie pure et vive, et une parfaite entente entre tous les membres du groupe, qui paraissent réellement soudés.

Les foules de trad sont parmi les plus bigarrées, les plus intergénérationnelles, et les plus participatives. On l’a bien vu à Bodh’aktan, où elle ne s’est pas fait prier pour danser et taper des mains. On saluera ce choix de programmation des Francos, qui auront permis à un plus vaste public de découvrir ou redécouvrir la musique traditionnelle québécoise et ses nouvelles variantes.

En fin de soirée au Métropolis, et dans un autre rayon du spectre de la musique folk, Mon Doux Saigneur offrait une première partie en demi-teintes à Bernard Adamus, qui avait préparé un spectacle haut en couleur et d’une générosité sans bornes (quatre rappels avec un pacing gargantuesque).

Le groupe Mon Doux Saigneur et son chanteur Emerik St-Cyr sont une découverte d’Adamus et il est d’ailleurs celui qui a poussé pour faire découvrir le jeune homme à son public. Une première partie, donc, qui faisait la part belle à l’instrumentalisation et mettait en relief cette intensité dans la présence de St-Cyr, qui nous porte à croire qu’il aura de belles choses à nous offrir pour l’avenir.

Bernard Adamus s’est ensuite déployé dans le Métropolis tout entier qui ne vibrait que pour lui. La foule impatiente avait déjà hurlé à pleins poumons en voyant sa silhouette effectuer un simple test de son un peu avant 22h. Lorsqu’il a été fin prêt, c’est avec son band entier, cuivre, choristes et lui en son centre, qu’il s’est présenté.

Chef d’orchestre puissant mais discret, il nous a encore une fois prouvé qu’il est l’un de nos plus grands artistes d’aujourd’hui. Souvent assis sur son banc, souvent les yeux fermés, toujours parfaitement solidaires de tous ses exceptionnels musiciens, il a encore une fois révélé la somptuosité et la richesse de son univers parolier et musical auquel les versions studios ne peuvent rendre pleinement justice.