Saratoga en rentrée montréalaise au Cabaret du Lion d’Or avec Mize

Dans le charme de Saratoga, il y a bien sûr les ballades d’une douceur infinie et les sublimes voix en harmonie, mais il y a aussi Chantal Archambault et Michel-Olivier Gasse. Eux simplement, eux en couple, eux d’une générosité incroyable et d’un naturel, d’une authenticité qui charme instantanément et qui donne l’impression au public d’être des amis, presque des membres de la famille. Les deux complices parlent énormément aux gens – beaucoup, beaucoup! –, tantôt de leur quotidien, voire de leur intimité, tantôt d’anecdotes farfelues, mais c’est toujours avec une simplicité et une spontanéité comiques et adorables qui ravissent et qui rachètent la longueur des allocutions.

Dès les premières notes de «Brise Glace» chantées par Archambault, un silence s’est imposé dans la salle, requérant une écoute attentive, même un respect. Les clarinettes et le hautbois, même si cachés derrière les musiciens, se faisaient bien entendre et relevaient davantage encore les compositions du duo; un apport magnifique et non négligeable qui donne encore plus de chaleur aux chansons. Mais c’est sans contredit la belle complicité entre les deux musiciens principaux, elle à la guitare et lui à la contrebasse, qui contribue le plus au succès du spectacle.

Tout à fait charmants, ils ont d’abord averti les spectateurs que c’était seulement leur deuxième spectacle pour défendre les compositions de Fleur, leur tout nouvel opus paru il y a à peine un mois, et donc qu’eux-mêmes ne connaissaient pas encore bien leur concert, qui pourrait bien «virer mal», qui sait? Ça ne sera pas le dernier éclat de rire du public provoqué par les paroles du couple, qui iront même jusqu’à se lancer l’un l’autre de petites remarques comiques et presque baveuses en chantant «Reste donc couchée», une pièce du répertoire en solo d’Archambault parue sur Les élans (2013).

À un certain moment, avant «Grands remous», on aurait presque cru assister à une conférence sur le recyclage et le zéro-déchet, et à un autre, on s’est quelque peu perdu durant une longue explication précédant «Je te garde», où Gasse justifiait l’idée de la «pièce», qui a donné lieu au texte de cette chanson qui traite en quelque sorte de fantasmes. Les deux parlent beaucoup de leur mode de vie et expliquent aussi beaucoup la genèse de leur projet et de leurs compositions; et si ça nous permet de comprendre leur musique dépouillée et leur style «retour aux origines», il y aurait tout de même lieu de resserrer les interventions parlées, car les deux grands verbomoteurs se relancent l’un l’autre constamment et parfois, ça n’en finit plus.

Saratoga, c’est clairement un cas de What you see is what you get. Il n’y a donc aucune prétention chez eux, et dans ce spectacle, il y a visiblement beaucoup de place au rire et à la spontanéité, mais la musique, elle, reste sérieuse: dès qu’ils se remettent à chanter, Archambault et Gasse sont d’un professionnalisme à toute épreuve, et rien ne saurait les déranger. Collés l’un à l’autre pour que les beaux micros vintage captent bien leur voix, les deux sont en parfaite communion, tout comme leurs voix, et pendant «Jack», les deux face à face, on aurait presque dit que le public n’existait plus devant la beauté de leur échange.

Malgré quelques pépins techniques et quelques longues interventions parlées, c’est toujours dans la bonne humeur et une aisance peu commune que les deux se sont offerts au public, et ils ont beaux être d’éternels et immuables optimistes, il n’est pas démesuré de penser que chaque personne présente au Cabaret du Lion d’Or vendredi soir a été charmée et sera prête à continuer à les suivre dans leur douce folie.

Mize

C’est la formation suisse Mize qui a ouvert la soirée pour Saratoga, présentant une pop très chargée, allant des mélodies enregistrées sur une loop pedal qui se suivent et se superposent, à plusieurs effets vocaux et gutturaux pour créer diverses ambiances pour chaque pièce. Se servant beaucoup de sa guitare simplement pour établir une rythmique, en bloquant les cordes, la chanteuse à la belle énergie théâtrale gagne davantage à laisser la portion musicale à ses deux complices, pour pouvoir développer son plein potentiel d’interprète. Ses chansons, traitant de sujets actuels (rencontres en ligne, jeune génération qui ne sait pas ce qu’elle veut), présentent beaucoup de répétitions dans les paroles et comprennent beaucoup d’éléments au niveau musical, mais l’effet global est plutôt entraînant et la détermination de Mireille Delèze, l’auteure, compositrice et interprète de Mize, nous gagne malgré tout.