SortiesDanse
Crédit photo : Hugo B. Lefort
Un esthétisme épuré et rentable
La simplicité de ce qui attend le spectateur s’affiche dès l’entrée en salle: un tapis roulant où le danseur, Manuel Roque, a déjà pris place et une toile blanche couvrant le mur du fond. D’une longue course, on passe à différentes démarches et postures. Les lumières éclairant le soliste projettent sa silhouette sur les rideaux latéraux, ajoutant une autre dimension à l’expressivité de ses divers états de corps.
Tout au long de l’œuvre, on reconnaît la pertinence dans l’utilisation des éclairages; non pas pour faire joli, mais pour renouveler la perception qu’on a de l’action, pour alimenter le propos. L’apparition de projections mouvantes sur la toile de fond vient ajouter à la course une animation parfois hypnotisante, parfois envahissante, indice de cohérence avec l’exploration de la pièce. La musique composée par le chorégraphe agit à différents niveaux: elle appuie les pas de l’interprète, par moment semble les rythmer, à d’autres les teinter d’une certaine angoisse. Les éléments entourant le mouvement servent l’idée de la pièce et de sa dramaturgie.
Une composition efficace
On voit Manuel Roque, dévoué soliste, courir pendant une heure. Avec des variantes d’énergie et de pas de course, il se laisse guider par les mouvements du tapis, cet être autonome soumettant le coureur à sa puissance.
Sans hésitation ou presque, le danseur s’adapte. Il répond aux commandes, persévère dans l’épuisement, sans raison apparente. En fait, c’est plutôt l’idée qu’il s’acharne à courir, mais sur place, qui montre l’absurdité de la situation dans laquelle il est. Situation qui, par le fait même, est peut-être la nôtre également.
C’est aussi grâce à son sens du timing que l’œuvre est solide. La structure encadrant la course de Manuel Roque fait que les tableaux se suivent sans accrocs, ne faisant pas sentir une succession d’images, mais plutôt l’évolution d’une idée. Une tension s’installe entre l’action et son développement, brisant la banalité qu’une simple course pourrait évoquer. Si certains moments semblent plus longs, ceux-ci sont justifiés, voire nécessaires au juste développement de l’œuvre.
En bref
Running Piece suggère un regard simple et efficace sur notre rapport au temps. Sommes-nous condamnés à le suivre, ou devons-nous simplement changer notre façon de le concevoir? Comment pensons-nous le temps?
C’est une œuvre prometteuse pour tout spectateur prêt à être actif dans son expérience, car la richesse de la pièce réside dans la subtilité de sa composition. Une création articulée et pertinente, Running Piece aborde un sujet problématique sans tomber dans la lourdeur et nous pousse à l’introspection: sommes-nous tous des coureurs?
Running Piece est présentée à l’Agora de la danse les 19 et 20 avril à 19h et le 21 avril à 16h.
L'événement en photos
Par Maryse Boyce, Hugo B. Lefort et Robin Pineda Gould
L'avis
de la rédaction