SortiesDanse
Crédit photo : Jean-Louis Fernandez
Tandis que les spectateurs gagnaient leurs sièges, un chanteur et un percussionniste jouaient déjà sur la scène du Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, assis sur des chaises, entourés de quelques coussins et lampions, à l’avant. L’arrière de la scène est en pente: un moyen d’explorer la gravité; l’une des forces auxquelles notre humanité n’a de choix que de se soumettre.
Une montagne – ou une tranchée? – qu’Akram Khan gravit, dévale, domine, derrière laquelle il se cache, au bas de laquelle il vit. Une pente qui servira, à la toute fin du spectacle, au déversement de centaines de cocottes de pin – des grenades? –, provoquant un cliquetis puissamment apaisant.
«Do not think this is war. This is not war. It is the ending of the world»
Né à Londres en 1974, Akram Khan, Bengladi d’origine, a étudié le kathak auprès du grand danseur Sri Pratap Pawar. C’est cette danse traditionnelle du nord de l’Inde qu’Akram Khan a transportée une fois de plus à Montréal: un langage chorégraphique extrêmement développé à partir des mudra (gestes codés des mains), où le danseur engage un dialogue avec les percussions.
Aux chevilles, il porte des ghunghuru (des centaines de grelots): la rythmique des pas est à la base du kathak. Tout en contrôle, Akram Kham incorpore les qualités de cette danse: grâce, émotion, rapidité et précision du geste, tantôt arrêté, tantôt emporté dans un tourbillon entre terre et ciel.
Le langage du kathak peut être difficilement pénétrable pour qui n’est pas de cet univers – en l’occurrence la majorité des Montréalais –, mais à travers le geste précis, on devine le mystérieux, le divin. Si ce langage chorégraphique touche moins le spectateur par son étrangeté – manque de familiarité, absence de registre –, ce dernier sera du moins intrigué, et la mise en scène s’occupera du reste.
On est facilement hypnotisé par la complémentarité du bleuté et du cuivre, les effets de contre-jour où une silhouette noire danse en avant-plan, les douces ombres des objets en trois dimensions, l’apparition angélique des musiciens au haut de la pente. Les sons, ronds, sont enveloppants; si bien que l’on tombe facilement dans un état méditatif.
Le récit de guerre disparaît sous le divin.
«In my life, I was a lover. Again, several times, and for long stretches, alone. I’ve been alone. I am alone.»
«Xenos» d'Akram Khan en images
Par Jean-Louis Fernandez
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