Peter Peter et Julien Doré en programme double aux FrancoFolies de Montréal 2017

L’aura mystérieuse de l’éternel solitaire

À 21h tapantes, les musiciens Charlie, Augustin et Maxime ont foulé la scène, se plaçant chacun derrière leur instrument, démarrant faiblement la mesure toute en texture électronique de «Noir éden», pièce-titre du troisième album de Peter Peter. Et c’est à peine quelques secondes plus tard que le Québécois, aujourd’hui installé à Paris, nous est apparu tout de noir vêtu pour nous chanter sous une succession d’éclairage violets: «Assis devant rien je réfléchis, j’invoque l’esprit celui qui depuis lors me possède / Désormais fantôme il ne m’écoute plus je le comprends je m’écoute trop et ça ne mène jamais ailleurs»…

Le ton était déjà donné, et l’auteur-compositeur-interprète, grand habitué de la salle voisine qu’est le Club Soda, avait cette fois la chance de se produire dans un Métropolis modérément bondé; et il avait bien l’intention de séduire avec ses nouvelles compositions, lui qui a pratiquement joué son nouvel album dans son intégralité, à l’exception de «Fantôme de la nuit» et «Little Shangri-La» (celle-ci aurait ravi les fans, ceci dit). Et comme pour prouver qu’il avait atteint une belle maturité dans sa carrière avec ce Noir éden, Peter Peter a enchaîné avec «Nosferatu», «No Man’s Land» et «Orchidée», avant de s’adresser pour la première fois à la foule.

«Ça va Montréal? Je t’ai manqué ou quoi?», a lancé l’artiste avec cet accent «franchouillard» qui démontrait déjà le nouveau Peter Peter, le créatif de l’autre côté de sa grande fenêtre parisienne. Et certes, il nous avait manqué, mais à le voir live, quelque peu malhabile dans ses mouvements, entre ce solitaire introspectif qui crée de petits bijoux de pop électronique et ce rockeur-wanabee qui joue ses solos les genoux posés au sol ou qui descend au parterre chanter dans la foule, on se demande vite, et avec raison, s’il ne force pas un peu trop les choses. Comme ces mots qu’il crachait presque à travers le micro ou qu’il massacrait en hurlant presque…

Voir Peter Peter sur scène, c’est entrer dans la bulle d’un créateur né fort talentueux qui a certainement pris de l’assurance au fil des concerts, mais qui a bien de la difficulté à nous faire entrer dans sa tête pour qu’on y prenne plaisir. Une chance qu’il a réussi à nous faire vivre tout de même de bons moments en musique; ici il suffit de se rappeler de ses interprétations maîtrisées de «Bien réel», «Carrousel», «Une version améliorée de la tristesse» et «Loving Game» notamment.

Le charisme de l’éternel séducteur

Bien au contraire de la première partie, Julien Doré dégage une aura qui ne ment pas: son aisance sur scène est largement contagieuse, et en moins de deux le Français d’origine avait les spectateurs dans sa poche. C’est d’ailleurs avec l’exquise «Le lac», pièce phare de son album &, qu’il a mis la table, devant un Métropolis plus bondé qu’en début de soirée. Et à le voir sourire tout en chantant, à le voir se déhancher avec adresse, à le voir entraîner la foule à coup de «Ça va Montréal? Faites du bruit!», on devine bien à qui on a affaire, et surtout que, lui, la scène, il aime ça, et il est tout à son aise.

Débordant d’énergie, Julien Doré était bel et bien en forme, et bien entendu heureux à l’idée de participer une fois de plus aux FrancoFolies de Montréal, enthousiasme qui semblait répandu au cœur de son orchestre, lui qui avait lancé l’invitation à ses six musiciens. C’est d’ailleurs une orchestration solide et de qualité qui accompagnait ce séducteur à cheveux longs de 34 ans, en font fois les interprétations solides de «Beyrouth Plage», «Coco Câline», «Chou wasabi», «Kiss Me Forever», «Les limites», «Magnolia» ou encore «Sublime et Silence».

Ce qui l’aidait d’autant plus à le rendre sympathique, c’est la facilité avec laquelle il communiquait avec ses fans, usant d’humour pour se rendre sympathique, se rapprochant de son public (en descendant au parterre, lui aussi, mais avec chaleur) pour l’avoir bien dans sa poche. Son aura brillait carrément, et le clou du spectacle revient très certainement à son duo avec une spectatrice qui a faussé d’une épouvantable façon dans le micro, moment de douce folie qui aura permis aux gens de rire un peu, et de se détendre un peu plus. «Quand y’a de la gêne y’a pas de plaisir!» à ce qu’on dit.

Jonglant habilement entre moments sérieux et moments d’improvisation, Julien Doré sait manier la langue, lançant un: «Il y a parfois des moments généreux où l’art et la poésie doivent s’interrompre», envoyant ainsi un clin d’œil à cette canette de bière qu’on venait de déposer au sol près de lui. Ainsi, si sur écoute Doré frappe dans le mille et offre une musique sympathique mais sans plus, en live il sait comment rendre ce qui est moyen diaboliquement efficace.

Les FrancoFolies de Montréal ont confirmé, vers midi aujourd’hui, que Julien Doré allait performer en spectacle-surprise sur la scène Ford dès 20h ce soir. Voilà votre chance de vivre vous aussi un chic moment tout en musique!