SortiesDans la peau de
Crédit photo : Jean-François LeBlanc
1. Sylvie, vous êtes la directrice du concours-vitrine Les Francouvertes depuis ses débuts (ou presque!) Pouvez-vous nous raconter comment le concours a vu le jour?
«Je suis aux Francouvertes depuis la 3e édition et j’y ai porté de nombreux chapeaux. Le concours a vu le jour en 1995 grâce à l’équipe de Faites de la musique! (FDM). Ça se passait dans Hochelaga-Maisonneuve au Zest, maintenant devenu le Garage à musique du docteur Julien. FDM s’était donné le mandat, à travers ses nombreux projets, dont celui des Francouvertes, de décentraliser la culture et de promouvoir les musiques dites marginales ou en émergence.»
«Avec Les Francouvertes, le but était aussi de se démarquer des autres concours, notamment, à l’époque, l’Empire des futures stars. On voulait mettre de l’avant les auteurs-compositeurs-interprètes de tous les horizons musicaux. Pas juste de grandes voix ou des propositions avec un «son radio». Bref, laisser place à la diversité et aussi offrir à des artistes parfois marginaux la possibilité de se faire voir et entendre.»
«Avec le vote du public, ce qui n’était pas du tout courant à l’époque, on donnait aussi la parole au public, puisqu’après tout c’est lui qui consomme de la musique. L’organisme a fermé ses portes en 2003 et j’ai remis Les Francouvertes sur les rails en 2005 avec le désir de conserver l’esprit de base initié par FDM.»
2. Une vingtaine d’années plus tard, comment les Francouvertes ont-elles changé ou évolué?
«Les Francouvertes ont grandi, elles ont pris de la notoriété, elles offrent beaucoup plus de prix et de visibilité qu’à leurs débuts, mais elles ont, je crois, conservé l’essence de leurs origines. Sinon, de manière plus technique… finie l’époque des démos-cassettes, des dossiers de présentation version papier qu’il fallait aller porter dans des boîtes-classeurs directement aux jurés. Tout se fait en ligne, yé!»
«Les propositions musicales aussi ont évolué. Au début des Francouvertes, les artistes présentés étaient presque toujours quasi inconnus, maintenant on présente un dosage d’artistes qui roulent déjà un peu leur bosse sur les scènes alternatives depuis un certain temps et d’autres qui sont plus en début de parcours. Dans les deux cas, l’aspect — vitrine — est maintenant ce qui compte le plus. Pas que ce n’est pas intéressant de gagner des prix, mais disons que les prix appuyés par un buzz, des rencontres professionnelles, etc., c’est encore mieux.»
«Que dire aussi de la qualité des extraits déposés lors des inscriptions. Au début des Francouvertes, d’un point de vue technique, la qualité était rarement au rendez-vous, maintenant on reçoit des enregistrements de très bonne qualité puisque les technologies sont beaucoup plus accessibles.»
3. Au fil des années, nous avons pu découvrir des dizaines et des dizaines d’artistes de talents aux Francouvertes, dont Philippe Brach, Les Hay Babies, Émile Bilodeau et on en passe! Pouvez-vous nous raconter un artiste ou une performance qui vous a particulièrement marquée?
«Trop difficile de choisir! Il y a eu tellement de moments où j’étais heureuse d’être là au bon endroit et au bon moment, et aussi plusieurs déceptions de ne pas voir certains artistes se rendre plus loin dans le processus du concours. Tellement de complicités installées avec plusieurs artistes passés aux Francouvertes. C’est comme demander à une mère de mettre de l’avant un de ses enfants.»
«Donc, j’y vais plus largement. Dans la première vie du concours, il y a évidemment la célèbre finale où, contre toutes attentes, Loco Locass a remporté la 1re position (je crois qu’ils gagnaient un baril de bière) devant les Cowboys Fringants, la découverte de Karkwa et de Gwenwed que j’avais tellement aimé.»
«Dans la 2e vie des Francouvertes, ça me prendrait des pages et des pages pour énumérer les artistes qui m’ont marquée pour des raisons des plus diverses. Mais un moment de grâce, c’est assurément Les sœurs Boulay, lorsqu’elles ont interprété quasi a cappella leurs chansons dans un Club Soda bondé et complètement muet. Ç’a avait fait le travail au Lion d’Or, mais au Club Soda avec le brouhaha habituel, c’était risqué. Le silence parfait d’une grosse salle comme ça qui écoute, c’est très émouvant, et c’est surtout garant de la qualité de ce qui se passe sur scène.»
«La contagieuse énergie des Dead Obies et la puissante présence sur scène de Philippe Brach continuent de m’habiter, et récemment la dernière finale des Francouvertes, une soirée intense avec trois magnifiques artistes, c’était pour moi une grande finale avec Laurence-Anne, Les Louanges et l’incomparable Lydia Képinski.»
4. Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre travail avec ces artistes de la relève?
«La continuité, l’après-Francouvertes. Apprendre que telle compagnie de disque s’intéresse à eux, que telle gérante ou gérant a décidé de travailler avec eux. Les suivre, les voir grandir, les voir se démarquer, faire de bons coups. J’aime garder le contact, les revoir venir faire leur tour aux autres éditions des Francouvertes et surtout les suivre dans leur carrière. J’aime aller les voir en show dans une salle bien remplie, je me retourne, je regarde les spectateurs applaudir et j’éprouve une grande satisfaction et un frisson garanti.»
5. La période d’inscriptions pour les Francouvertes est ouverte jusqu’au 2 novembre pour la 22e édition du concours. Si de jeunes (ou moins jeunes!) artistes motivés nous lisent aujourd’hui, qu’est-ce que vous aimeriez leur dire pour les motiver à participer?
«Je crois que le jeu en vaut la chandelle. Participer aux Francouvertes permet de gagner de nombreux prix, peu importe l’étape du concours, dont la grosse bourse de SiriusXM de 10 000 $, mais ça offre surtout une belle opportunité de faire des rencontres professionnelles avec des gens de l’industrie, mais aussi avec d’autres artistes avec lesquels peuvent se développer de belles complicités. C’est clairement une vitrine qui peut faire une différence pour la suite. Ce n’est pas automatique, mais ça vaut la peine d’y être!»