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Crédit photo : Dana Rosu
C’est Owen Pallett qui a clôt la soirée, sans doute avec la plus forte présence instrumentale, lui qui a une formation en violon classique. Maniant son instrument comme nul autre, passant du pizzicato, en pinçant avec ses doigts à une vitesse impressionnante les cordes de son violon pour créer une belle mélodie, au legato, où son archet frottait les cordes pour un son plus lié et fluide, le musicien a su dès le départ prouver qu’avec un seul instrument, il était possible de diversifier les sons et les ambiances.
Mais Pallett ne maîtrise pas que la base de son instrument, il va bien au-delà. En frappant le bois de son archet sur les cordes plutôt que le crin, et en tapant sur le corps de son violon amplifié pour battre le rythme, presque comme un battement de cœur, il a dès la deuxième pièce prouvé que son instrument n’avait aucun secret pour lui et qu’il pouvait tout faire avec lui.
Une fois sa qualité d’instrumentiste prouvée en solo pendant quelques morceaux, l’artiste a fait venir sur scène ses musiciens – un batteur et un guitariste électrique –, pour insuffler à sa musique des sonorités plus diversifiées. Pourtant, avec son impressionnante utilisation du loop pedal qui enregistre sa musique et la renvoie en boucle, lui permettant de jouer autre chose pour accompagner sa première mélodie, disons que Pallett aurait très bien pu donner un spectacle entier en solitaire.
Bougeant allègrement au son de son violon, chantant en jouant ou sautillant en chantant, Owen Pallett donne indéniablement un spectacle, utilisant même ici et là le clavier pour s’accompagner. Oscillant entre les airs plus doux et calmes, et les numéros plus rythmés ou quelques notes sont répétées en boucle, le musicien montre bel et bien un passé d’instrumentiste classique, tout en jouant avec la foule, qui était par ailleurs plutôt statique, mais très attentive et peut-être même envoûtée par les mélodies et le chant assez clair de Pallett.
Il est tout de même dommage d’avoir misé sur un éclairage avec autant d’effets, se contentant de quelques effets stroboscopiques et de faire tourner certains faisceaux lumineux un peu partout et de les faire réfléchir sur une grosse structure géométrique aux parois miroitées à l’arrière, sans jamais bien éclairer l’artiste ou ses musiciens. Cela force à écouter et à se laisser transporter par la musique, certes, mais il aurait été plus impressionnant encore de bien voir les nombreuses techniques utilisées par Pallett.
Son dernier album, In Conflict, était en lice pour le prix Polaris et est paru le 12 mai 2014.
Basia Bulat
C’est a capella et jouant du charango que Basia Bulat est arrivée sur scène, seule, faisant taire la foule d’un coup pour bien entendre la belle chanter «It Can’t Be You». Se promenant des deux côtés de la scène pour offrir à tous le loisir de bien l’entendre, la chanteuse a, dès cette première performance, fait une grande impression sur la foule. «Je suis maintenant une vraie Montréalaise, et ça, c’est mon premier spectacle en tant que Montréalaise», a-t-elle laissé tomber en souriant de bonheur, faisant crier la foule de fierté avant d’entamer une version de «The City With No Rivers» beaucoup plus rythmée et dynamique que sur l’album, mais qui a perdu malheureusement de sa douceur et de son côté poignant.
À l’aide d’un batteur, d’un bassiste et d’une choriste, Basia Bulat a livré plusieurs chansons de son dernier opus Tall Tall Shadow, paru le 30 septembre 2013 et en lice pour le prix Polaris, mais aussi de son second album, Heart of My Own (2010). Ce fut le cas pour «Gold Rush» et la pièce-titre, «Heart of My Own», qui ont permis à la chanteuse de jouer de son autoharpe et d’interpréter de beaux solos bien enjoués, mais ces chansons manquaient cruellement de violons, bien présents sur le deuxième album de Bulat.
C’est à partir de «Five, Four» que la musicienne s’est armée de sa guitare électrique pour livrer une version plus entraînante et rock que sur Tall Tall Shadow, ce qui a donné au morceau un nouveau souffle fort intéressant. Demandant par la suite à ses musiciens de quitter la scène de façon imprévue, Bulat a semble-t-il décidé spontanément d’offrir à la foule un autre numéro en solo, qui s’est avéré fort touchant. Expliquant qu’elle a écrit la chanson pour une amie et que lorsqu’elle la chante, elle la sent encore là, près d’elle, la chanteuse a débuté une mélodie en fingerpicking sur sa guitare électrique, menant à la poignante «Paris or Amsterdam».
C’est là la qualité première de Basia Bulat: sa puissante voix au trémolo particulier est envoûtante, et qu’elle l’accompagne au charango, aux claviers, à la guitare ou encore à l’auto-harpe – qu’elle joue tous avec grande confiance et brio – elle sait toujours s’élever au-dessus de tout et toucher droit au cœur. Elle s’est d’ailleurs amusée avec sa voix lors de son dernier numéro, après avoir offert quelques pièces aux claviers, dont une «Run» habituellement à l’autoharpe et une «Tall Tall Shadow» plus que bien reçue par la foule.
Utilisant un micro au son modifié grâce à une réverbération bien présente, Bulat a terminé son spectacle avec une «Wires» étirée, agrémentée d’envolées vocales, pour le plus grand bonheur de la foule qui en a redemandé, jusqu’à crier le nom de l’artiste afin qu’elle revienne pour un rappel, interprétant «In the Night» seule à l’autoharpe, une pièce de son tout premier album en carrière, Oh, My Darling (2007).
Thus Owls
C’est la formation montréalaise Thus Owls qui a ouvert le bal avec ses ambiances sombres et envoûtantes. Pendant qu’Erika Angell balançait ses bras – lorsqu’ils n’étaient pas occupés à jouer de l’auto-harpe – au rythme de l’émotion dans sa voix, c’est plutôt son mari, le guitariste Simon Angell, qu’il fallait observer. Se déchaînant sur sa guitare électrique, presque en transe, celui-ci a par moments usé de techniques inusitées pour créer des sons spéciaux et diversifiés. Frottant les cordes de sa guitare très rapidement à l’aide de ce qui semblait être une brosse à dents, le musicien a fait tout ce qu’il pouvait pour contribuer aux ambiances bien particulières de sa formation.
Étirant généreusement les finales des chansons pour que la chanteuse se laisse aller vocalement, comme pendant la suave «I Weed the Garden», Thus Owls a offert des chansons de son répertoire le plus sombre. Entre «How, In my Bones» et «Turning Rocks», heureusement qu’il y avait des pièces comme «Bloody War» pour un peu plus d’énergie. La foule s’est tout de même laissée transporter par les nombreux changements de rythmes et la liberté et le bonheur apparents des musiciens.
L'avis
de la rédaction