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Crédit photo : Mathieu Pothier
Il fallait la voir arriver, forte, sur ses talons aiguilles rouge vif et la dégaine assurée derrière sa guitare électrique en partant elle-même le bal avec «Same to You». Elle avait fière allure et sa voix puissante a tout de suite saisi. Pendant que son trompettiste et son saxophoniste se laissaient aller à une chorégraphie dansée inusitée en jouant et que les quatre autres musiciens affirmaient leur son eux aussi, on n’avait malgré tout d’yeux que pour elle.
Il faut dire que les cuivres n’ont pas tardé à presque voler la vedette, contribuant grandement à l’ambiance langoureuse de «Bad News», notamment, le solo de saxophone se faisant déjà applaudir dès la deuxième pièce jouée. Pourtant, dès que Melody Gardot abandonna tout instrument et qu’elle mit sa voix en valeur grâce à un rythme de base, simpliste, à la batterie et une douce contrebasse, on comprit que cela était suffisant.
C’est d’ailleurs ce qui constitua le seul défaut du spectacle que l’auteure-compositrice-interprète offrit: trop souvent, sa magnifique voix chaleureuse, puissante mais aussi pleine de nuances, était noyée dans l’orchestration trop dense et dans les cuivres omniprésents, comme durant l’entraînante «Who Will Comfort Me». Certes, les musiciens étaient tous exceptionnels autant qu’ils étaient et ont offert chacun leur tour des solos enlevants et des prestations appréciées, mais là où la chanteuse nous happe le plus, c’est certainement quand il n’y a pas trop d’artifices.
Deux saxophones en bouche lors de l’envolée musicale «March for Mingus», c’est impressionnant; un long solo de contrebasse durant la même pièce, c’est captivant, mais jamais Melody Gardot ne nous aura plus envoûtée que lors de numéros plus simplistes, par exemple assise au piano pour le langoureux morceau jazz «Goodbye» ou encore durant la douce et très bien dosée «Morning Sun», qui s’est dévoilée sans extravagance et d’une grande beauté.
Bien sûr, la chanteuse et ses musiciens ont le sens du spectacle, et leurs envolées musicales sont si nombreuses et intenses qu’on en vient presque à ne plus savoir s’il s’agit d’une introduction à une nouvelle chanson ou de la finale ou continuité intense de la précédente. Qu’à cela ne tienne, ils ont manifestement du plaisir sur scène, et l’artiste entretient une aussi belle complicité avec son public, à qui elle s’adresse régulièrement, et avec beaucoup d’humour et de latitude.
Après au moins six chansons chantées où elle fut assise au piano, elle se leva enfin pour raconter une longue et comique histoire arrivée à Paris et qui l’a menée à l’écriture de sa première chanson en français, «Les étoiles». Les musiciens tous sortis de leur poste pour interpréter ce morceau, ils ont créé un petit attroupement autour de la chanteuse, comme un groupe de musiciens de rue, ce qui créa un moment d’une grande beauté, avant qu’elle n’enchaîne avec un de ses classiques, «Baby I’m a Fool», applaudi dès les premières notes.
D’une grande générosité, Melody Gardot se mit en retrait le temps des salutations, afin de laisser ses musiciens recevoir les applaudissements, mais visiblement, les gens debout n’avaient pas l’intention de les laisser partir, et c’est en divisant la salle et en faisant chanter les gens des partitions différentes selon leur section qu’elle revint en rappel, avec «Preacherman». Toujours derrière sa guitare électrique, elle s’assura de finir en lion tout comme elle avait commencé le spectacle, qui aura finalement permis de montrer une belle variété de nuances autant dans la musique que dans la sublime voix de la chanteuse.
En première partie: Lisa Simone
«J’ai une question: je suis la fille de qui?», a lancé Lisa Simone après avoir demandé au public de l’aider avec son français qu’elle qualifiait d’approximatif, mais qui s’est finalement révélé pas mal du tout. Sans tabou et sans gêne, l’artiste prend toujours un moment pour honorer «une grande dame, ma mère», Nina Simone, en interprétant «Ain’t Got No, I Got Life», pourtant, Lisa n’aurait pas du tout besoin de la renommée de sa mère pour se faire un nom et tailler sa place. Son jazz influencé par les musiques du monde et sa façon toute naturelle de chanter avec tout son corps, en se déhanchant doucement derrière son pied de micro, ont tout de suite charmé.
Il fallait voir la façon incarnée, investie qu’elle avait parfois de s’immobiliser, comme pour se plonger complètement en elle-même, afin d’interpréter un morceau, avant de se mettre à sauter, pétillante et aussi d’une grande générosité, allant jusqu’à faire le tour complet du parterre de la salle Wilfrid-Pelletier afin de donner la main à tout le monde en bout de rangée, et ce, des deux côtés de la pièce. S’adressant beaucoup au public, non sans humour, et démontrant une voix puissante avec de belles nuances, notamment durant la très belle «Expectations», la chanteuse a certainement gagné un nouveau public avec son sourire communicateur, son énergie et la puissance évocatrice de sa voix et de sa musique.
Debout, le public a même été jusqu’à demander un rappel à celle qui faisait office de première partie.
L'avis
de la rédaction
Grille des chansons
1. Same to You
2. Bad News
3. You Don't Know What Love Is
4. She Don't Know
5. Goodbye
6. Nobody's Fault But Mine
7. March for Mingus
8. Morning Sun
9. Les étoiles
10. Baby I'm a Fool
11. Who Will Comfort Me
Rappel
12. Preacherman