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C’est vendredi dernier que Mario Saint-Amand et son groupe, constitué d’un batteur congolais, d’un directeur musical argentin, et d’un bassiste québécois, s’est arrêté à Gaspé pour l’avant-dernier spectacle de sa tournée dans l’Est-du-Québec. Heureux de retrouver l’esprit de la région, lui-même originaire de Sept-Îles, Saint-Amand a témoigné amour et respect à son public gaspésien en offrant un spectacle tout en sentiments et en générosité. Mais avant la fougue de la chanteuse Marijosée en a impressionné plus d’un.
Marijosée
Avec ses cheveux bouclés, son fort accent et ses expressions anglophones très cool, la franco-manitobaine Marijosée est arrivée de façon énergique sur la scène avec un guitariste et une percussionniste pour accompagner sa fougue naturelle. Celle qui, il y a quelques mois seulement, était encore enseignante d’arts plastiques, a fait le grand saut en musique, motivée par l’arrivée de la trentaine. C’est avec une grande gentillesse et une passion candide qu’elle a interprété les chansons franco-pop festives de son premier mini-album, Rebondir, et nous, c’est avec un pur bonheur qu’on l’a découverte. Lauréate du prix ROSEQ lors de la vitrine, Marijosée est un petit bijou qui vaut la peine de découvrir.
Mario Saint-Amand
Dès les musiciens installés et les premières notes entamées, le groupe de Mario Saint-Amand a dû composer avec un pépin technique: le bassiste-choriste avait le mauvais micro et on ne l’entendait pas! «Bien oui, c’est normal qu’on ne l’entende pas, son micro n’est pas un Sennheiser!», s’est exclamé le comédien-chanteur, qui a dû improviser durant de longues minutes sur fond de musique avant que le technicien de son ne finisse d’interchanger les micros. Au moins Mario Saint-Amand en a profité pour présenter le commanditaire officiel de sa tournée On passe nos blues. «Ce sont des petits problèmes qui arrivent quand on a une première partie, on n’utilise pas le même équipement et ça se mêle!», a ajouté celui qui a incarné Gerry Boulet au grand écran l’an dernier. Pas choqué ni pris au dépourvu par cet incident, Mario Saint-Amand patine, mais il le fait comme un vrai joueur de hockey. Sa formation d’acteur l’aura sans doute aidé, mais c’est également un charme et un humour naturels qui l’ont fait discuter allègrement avec le public, auquel il a confié que «c’est assurément la plus longue version de cette chanson [qu’ils ont] joué jusqu’à présent!».
Déjà vendu à ses spectateurs de par ses apparitions répétées à la télévision, au théâtre et au cinéma, Mario Saint-Amand en a ajouté en étant d’une grande humilité et en étant charmant, tout simplement. Mais c’est véritablement la consécration lorsqu’il plonge dans son répertoire de compositions blues, qu’il livre avec une fougue sensible. En plus de ses textes joliment imagés, inspirés par des expériences personnelles, la musique qu’offre Mario Saint-Amand est envoûtante. Formule inhabituelle, Saint-Amand Blues ne comprend aucune guitare: «Vous remarquerez qu’il n’y a aucune guitare, je préfère les djembes et le rythme de mon ami Lionel à la batterie. On fait du blues percussif!» lance le chanteur, également auteur de la majorité des textes du spectacle. Et ça percute droit au cœur, avec des interprétations bien senties, pensons ici à un texte co-écrit avec France Castel et à un autre qui porte sur une jeune femme croisée lors de son séjour en désintox, il y a quatre ans et demi. C’est en effet avec une grande humilité que Mario Saint-Amand nous a raconté des bribes de son passé, de ses bons coups comme de ses mauvais.
L’homme de 45 ans a également livré une touchante interprétation de la chanson «Georgia on my mind», popularisée par Ray Charles. «Vous savez, il y a de ces moments dans la vie qu’on n’est pas prêts d’oublier… bien je vous dis que mon passage dans la vie de Gerry Boulet, je ne suis pas à la veille de l’oublier!», a lancé le comédien, tentant d’expliquer le choix de sa chanson, alors que la foule s’est mise à applaudir chaudement l’interprète pour son travail sur Gerry. C’est qu’il s’agissait de la chanson favorite du père du chanteur d’Offenbach et, par le fait même, la chanson fétiche de Boulet, en plus d’être, par un heureux hasard, celle de Saint-Amand également. Évidemment, le comédien-chanteur n’a pu passer à côté de rendre hommage à Gerry Boulet en interprétant «à sa sauce», comme il l’a lui-même exprimé, les classiques «Toujours vivant», «Ayoye!» et, en rappel, «Câline de blues». Réel dépaysement, Saint-Amand s’est amusé à ajouter de nombreuses percussions aux morceaux, jouant lui-même de son djembe à de nombreuses reprises lors de la soirée, et ce, tout en chantant. Les chansons d’Offenbach se sont donc vues accorder un second souffle, modifiées pour ajouter des sonorités presque africaines au rythme très régulier des chansons d’origine.
C’est la beauté des arrangements de Mario Saint-Amand: il s’agit d’un véritable voyage d’une chanson à l’autre, car rien n’est trop formaté. On s’amuse sur scène, comme dans la salle. On ne sait pas exactement où la formation nous amènera, mais on y va gaiement, en tapant des mains. Si durant certaines chansons on sent que la voix de Mario Saint-Amand craque et qu’on se demande si c’est par manque d’habileté vocale ou si, au contraire, ça ajoute à son charme, l’ensemble du spectacle est fort réussi, amenant dans le paysage musical québécois un style différent et intéressant. «Les puristes diront que ça n’est pas du blues qu’on fait», a déclaré l’interprète à la fin de la soirée, mais la cinquantaine de personnes réunies vendredi soir dans la Petite Églize de Gaspé diront que peu importe le style présenté, Mario Saint-Amand a une belle présence sur scène, une grande générosité, une plume ainsi qu’une humilité qui ne peuvent laisser personne indifférent.
Crédit photo: Sandra Raymond
Appréciation: *** ½
Écrit par: Alice Côté Dupuis