L’Opéra de Montréal présente «Nabucco» de Verdi – Bible urbaine

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L’Opéra de Montréal présente «Nabucco» de Verdi

L’Opéra de Montréal présente «Nabucco» de Verdi

Fougue et rage... à la limite de la virtuosité

Publié le 25 septembre 2014 par Marie-Hélène Proulx

Crédit photo : Yves Renaud

Lorsque le musicologue Pierre Vachon présente son introduction à l'opéra Nabucco de Verdi, qui tiendra l'affiche à la Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts jusqu'au 27 septembre, il en parle comme d'un moment musical révolutionnaire. Mais peut-on vraiment recréer une œuvre en préservant à la fois sa fougue et le souvenir impérissable de cet instant de grâce, qui se révéla sur la scène italienne en 1948? C'est le défi que relève avec brio le récit du roi babylonien, interprété par Paolo Gavanelli.

Pour ressusciter cette ambiance, un «théâtre dans un théâtre» a été mis en scène. Des loges ont même été ajoutées à ce décor, constitué, pour le reste, d’une succession de tableaux peints et d’un minimum d’accessoires, comme le veut la tradition italienne. Cette disposition n’en laisse que plus d’espace au chœur, constitué de personnes de tous âges, en perpétuel mouvement. Sous l’ingénieuse direction de Leigh Holman, cette représentation du sort du peuple israélite, cloîtré et en panique, sait rendre justice, par ses accords, aux attentes des auditeurs, impatients d’entendre «Va pensiero».

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Mais l’esprit innovateur de cet opéra passe aussi par la manière dont les harmonies se plient fidèlement à des émotions, frôlant parfois la violence. Et en ce sens, cette œuvre aurait pu s’appeler autant Abigaille que Nabucco, puisque c’est elle, l’alliée des jours sombres du roi, puis sa pire ennemie, qui par l’exigence extrême de son rôle, porte en sa voix le succès ou l’échec de cette grandiose création.

Dans la peau d’Abigaille, Tatiana Melnychenco doit non seulement assurer les alternances rapides entre la nostalgie d’une amoureuse blessée et la colère d’une intraitable conquérante, mais aussi suivre Verdi dans son ambivalence entre la valorisation des moments de virtuosité vocale et l’expression des débordements de rage. Sa sombre présence donne également au couple formé par Ismaële et de Fenena leurs meilleures occasions de briller de tous ses feux.

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Le peuple israélite aura droit, pour sa part, à la très juste répartie que lui offre la voix de basse de Leven Orlov dans le rôle de Zaccara. Toutefois, le mariage contrasté entre le réalisme novateur du chœur et les duos des personnages de la noblesse babylonienne, plus conformes au style typique des opéras italiens, rendront les conventions du genre plus difficiles à accepter. Il reviendra alors à la solide Margaret Mezzacappa, incarnant la vulnérable Fenena, accompagnée du chant harmonieux d’Antoine Bélanger, joué par Ismaële, de relever la lourde tâche de faire le lien entre ces deux univers.

Quelques tableaux et costumes susciteront néanmoins des doutes quant à leur signification ou leur cohérence, ainsi que la liberté que prennent les créateurs de faire mourir Nabucco. Mais plus le mécanisme tragique de l’œuvre avance, plus les accords, les voix et les couleurs, soutenus par un excellent jeu d’éclairage, viendront resserrer les liens avec une spectaculaire harmonie. Les solos de Nabucco et de Zaccara, laissant plus d’espace à l’appréciation des violons et des cuivres, y seront alors bien accueillis.

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Malgré ces quelques détails étonnants remarqués en cours de route, les spectateurs sortent avec un commentaire unanime: «Magnifique!». Mais à quoi tient cette magnificence? «Bien, à l’ensemble!», répondent-ils. Voilà donc une leçon pour apprécier l’opéra en général, mais plus particulièrement le magique désordre de Nabucco.

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