L’opéra «Les Feluettes» de Michel Marc Bouchard et Kevin March – Bible urbaine

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L’opéra «Les Feluettes» de Michel Marc Bouchard et Kevin March

L’opéra «Les Feluettes» de Michel Marc Bouchard et Kevin March

De grandes voix et beaucoup de romantisme

Publié le 25 mai 2016 par Isabelle Léger

Crédit photo : Yves Renaud

Pas de demi-mesure pour le baryton Étienne Dupuis et le ténor Jean-Michel Richer, qui incarnent les deux jeunes amants malheureux du drame théâtral transposé à la forme lyrique par l’Opéra de Montréal. Guidés par un texte tout aussi poétique qu’explicite, soutenus par une mise en scène concrétisant la tendresse et le désir du propos, les deux chanteurs protagonistes assument les baisers et la nudité comme le feraient des acteurs. Voilà un réalisme qui étonne, apparaissant dans une forme (l’opéra) davantage régie par les codes et la structure que par la vérité. Mais la magnificence de leurs deux voix et la qualité de leur interprétation réconcilient ce paradoxe pour déposer cette histoire au creux de notre oreille.

A-t-on besoin de rappeler l’intrigue de ce monument du théâtre québécois? Créée en 1987, Les Feluettes ou la répétition d’un drame romantique met en scène un groupe de prisonniers dans les années 1950, jouant eux-mêmes un drame survenu en 1912. Deux jeunes hommes répétant une pièce de théâtre (oui, vous comptez bien, ça fait une pièce dans une pièce dans une autre pièce) tombent amoureux. Simon (Étienne Dupuis), fouetté à la ceinture par son père en colère, décide de rentrer dans le rang et renonce à cette idylle en se fiançant. Vallier (Jean-Michel Richer) de son côté, fils de comtesse abandonnée et désargentée, connaît déjà les moqueries, l’exclusion, l’âpreté de la vie. Il n’a rien à perdre. Il convainc Simon de revenir sur sa décision, mais à ses risques et périls: Simon met le feu à la grange où ils ont passé la nuit. Bilodeau (James McLennan), compagnon de classe aussi attiré par Simon, pourrait les sauver tous les deux, mais il choisit de laisser périr Vallier. C’est devant ce Bilodeau devenu évêque (Gordon Gietz) que la bande de détenus rejoue le drame, afin de lui faire avouer ce crime qui a mené à la réclusion de Simon.

Ce n’est pas sans raison que Michel Marc Bouchard remporte des prix depuis trente ans et que Les Feluettes, en particulier, connaît tant de succès ici et ailleurs. L’originalité des situations et des traits de certains personnages, le choix des mots et le sens aigu du rythme et du dialogue sont autant de qualités par lesquelles le dramaturge nous charme. Au Québec, Les Feluettes ont formé une sorte triptyque dramatique avec Being at home with Claude et Provincetown Playhouse, juillet 1919 sur la violence que la recherche d’absolu peut engendrer, exacerbée par le tabou de l’homosexualité. Que ce thème soit encore peu courant à l’opéra est un fait, mais le public québécois n’est pas frileux et il ne faisait aucun doute que Bouchard en ferait une transposition qui conserverait la saveur et la poésie de l’œuvre originale, ce qui s’avère dans cette production de l’Opéra de Montréal, bien que la première partie soit un peu trop longue. On aurait aussi souhaité plus de tension dans la finale, dans le jeu comme dans la musique.

Une fois qu’on a cité la mise en scène maîtrisée de Denoncourrt (il avait déjà monté la pièce à ESPACE GO et en reprend de beaux éléments), la seule inconnue de l’aventure, c’est la musique signée Kevin March. Peut-être inspiré du sous-titre de la pièce, mais peut-être également de la superposition des époques, le compositeur navigue entre le romantisme (en particulier dans les passages chantés par le chœur de 19 choristes) et le modernisme, qui caractérise davantage les passages des solistes. Ce mélange en va-et-vient est intéressant intellectuellement, mais sur place, il laisse un peu dubitatif. La pièce ayant été qualifiée de Roméo et Juliette québécois par Serge Denoncourt, on aurait pu s’attendre à une œuvre totalement moderne en rupture de tons qui aurait appuyé la tragédie.

Soulignons que toutes les voix sont très belles, soutenues par l’Orchestre Métropolitain dirigé par Timothy Vernon. Mentionnons aussi que, comme il se doit, le rôle de la comtesse, mère de Vallier, ici interprété par Aaron St. Clair Nicholson, agit comme pivot entre le trivial et le tragique et rassemble en quelque sorte tous les points de vue, puisque c’est par lui que tout est d’abord accepté, puis perdu. Le baryton émeut par tant de nuances dans le jeu et la voix.

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Par Yves Renaud

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