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Crédit photo : Ludovic Rolland-Marcotte
La Pastorale pour fêter le printemps
Beethoven, ce qui n’est pas une surprise, est un grand amoureux de la nature et de la vie à la campagne. Ce penchant du citadin pour l’émerveillement naturel trouve son expression la plus éminente dans ce programme pastoral où le chant des oiseaux, l’eau, le vent, l’orage et tous les éléments s’entremêlent pour rendre l’incroyable écho que seul l’environnement organique et végétatif peut offrir.
Créé à Vienne en 1808, ce portrait musical de la nature puise son influence majeure dans le roman épistolaire de Goethe, Les Souffrances du jeune Werther, et les pérégrinations de ce fringant jeune homme aux prétentions artistiques dessinant la nature. Nuancée dans l’expression et s’échappant du simple tableau, cette «Symphonie pastorale» n’est point une peinture musicale, mais davantage une représentation quasi allégorique de cette vie à la campagne.
Il s’agit là de la nature vraie, le calme de la campagne et les mœurs rurales que Beethoven a voulu transposer. Dans une écriture symphonique progressive, les violoncelles et contrebasses prennent des traverses différentes alors que certains instruments ne font leur entrée que tardivement; le piccolo dans le quatrième mouvement, les trompettes dans le troisième, et les trombones elles aussi dans le quatrième.
Cristian Măcelaru s’est empressé de faire retentir l’Orchestre Métropolitain, certes négligeant certaines particularités de l’«allegro» d’ouverture (comme ce man non troppo), mais en apportant nuances, textures et teintures. Pourtant, le chef roumain s’est montré convaincant dans son orientation, déliant la finesse de l’écriture du maître pour lui offrir le nivellement nécessaire à la mélodie et à la rythmique.
Clôturant une longue tradition d’œuvres instrumentales dédiées à la nature, la «Symphonie pastorale» fit de nouveau bonne figure dans une version libératrice voulue par Walt Disney dans le film expérimental d’animation Fantasia (1940). Mythologique et divine, la séquence «pastorale» du film illustrait brillamment la composition de Beethoven.
C’est ainsi, avec plein de centaures, de pégases et de licornes dans les yeux, que l’orchestre tempêtait cette symphonie dont la nature est érigée au rang d’héroïne.
Grâce à cette unité thématique désirée par Beethoven, le choix de la direction musicale de l’Orchestre Métropolitain s’est révélé largement approprié à la saison bien que quelques lourds et persistants flocons s’accumulaient à l’extérieur. Ce printemps, qui tente vainement au-dehors de se faire une place ces derniers jours, a trouvé l’enchantement et l’émerveillement qui lui est dû dans l’immensité de cette Maison, théâtre pastoral d’un soir.
On a entendu les oiseaux chanter
Cet hymne à la nature, à savoir cette ode au printemps, avait commencé pourtant bien plus tôt, quand les premières notes aussi déroutantes que baroques de la suite orchestrale de Respighi, «Les Oiseaux», se firent entendre. Singulière et captivante, cette pièce révèle le défi que s’est donné le compositeur italien, soit faire entendre le roucoulement des volatiles dans une succession de cinq pièces honorant les oiseaux par de lumineuses et raffinées évocations sonores. Pourtant, l’irréprochable direction musicale, proposée par Măcelaru, peinait malgré tout dans l’éclatement et la vivacité de ce chant bucolique.
Délivrance pour certains, asservissement pour d’autres, c’est un tout autre chant qui fit son entrée à l’issue du cinquième et dernier mouvement. Le piccolo de la Montréalaise Caroline Séguin commença sa chanson colorée et pleine de vitalité dans ce «Concerto pour Piccolo et Orchestre (Op. 50)» du compositeur américain Lowell Liebermann. Ralenti par le chef Măcelaru dans le début de cet air séduisant par la magie de cette petite flute virtuose, le troisième mouvement (Presto) permit à la soliste d’exprimer le son brillant et vibrant insufflé par le piccolo.
Acclamés chaleureusement, le chef et son orchestre pouvaient être fiers de leur capacité à déployer ces compositions singulières par leur approche musicale. Et s’il y eut à redire de certains enchaînements, l’incroyable beauté de ce tout, aussi vivant et palpable que cette «Symphonie N°6», l’emportait, laissant les spectateurs s’évader dans leurs songes pastorales.
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Par Ludovic Rolland-Marcotte
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