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Crédit photo : Mathieu Pothier
Le public peut y voir les œuvres des finalistes du 62e concours annuel de la fondation World Press Photo. C’est la 14e année consécutive que l’exposition s’arrête à Montréal. Elle est divisée en huit catégories correspondant aux prix remis par la fondation: environnement, spot news, sport, projets à long terme, portraits, etc. Chaque catégorie est divisée entre photos individuelles (singles) et séries de clichés (stories).
Les manchettes des journaux
En raison de sa vocation journalistique, l’exposition est résolument ancrée dans le présent et se fait l’écho des manchettes de l’année dernière. Il y a de la violence, des corps sans vie et du sang, mais aussi de l’espoir, la découverte de phénomènes cultures méconnus, et des clichés amusants.
La «photo de l’année», prise par John Moore, s’intitule «Crying Girl on the Border». On y voit une toute petite fille hondurienne pleurant devant les jambes de sa mère et d’un officier des douanes américaines, alors qu’elles sont arrêtées après avoir franchi la frontière du Texas.
Extrêmement poignante, la photo est prise de nuit et cadrée à la hauteur de la fillette – on ne voit qu’une partie du corps de sa mère ou de celui de l’officier. La photo exsude le drame, et l’évènement est magistralement capturé par Moore. On apprend à la lecture du texte d’accompagnement, non sans soulagement, que la mère et la fille n’ont pas été séparées par l’administration américaine.
La crise migratoire a donc fait les gros titres l’année dernière. On la trouve représentée dans le cliché «Climbing the Border Fence» (Pedro Pardo, 3e prix Spot News / Singles), montrant une famille escaladant la clôture séparant les États-Unis et le Mexique.
Les migrants sont aussi au cœur de la série de photos de Pieter Ten Hoopen, gagnant de la catégorie Sport News / Story du concours. «The Migrant Caravan» suit les pérégrinations des hommes, femmes et enfants, originaires d’Amérique centrale, qui ont tenté, à l’automne dernier, de rejoindre les États-Unis.
Moins dramatiques que la photographie de Moore, les clichés pris par Ten Hoopen font pourtant la part belle à la vie quotidienne de la caravane, nimbée d’une douce lumière naturelle.
Une vocation documentaire
Par ailleurs, la crise climatique, objet de la catégorie Environnement, permet d’aborder des sujets moins familiers du grand public. Les séries documentaires présentées lèvent le voile sur une crise humanitaire, environnementale et politique dans le bassin du Tchad («The Lake Chad Crisis», par Marco Gualazzini, 1er prix Stories). Puis sur l’impact dévastateur de la culture du soya sur l’apiculture maya au Mexique («God’s Honey» par Nadia Shira Cohen).
Le cliché «Living Among What’s Left Behind» de Mário Cruz (3e prix Singles) montre un enfant allongé sur un matelas, entouré par tant de déchets en plastique qu’on peine à croire qu’il flotte sur le fleuve Pasig aux Philippines. Ce fleuve est considéré comme «biologiquement mort», apprend-on, en raison de la pollution industrielle et de l’accumulation de déchets dans son lit.
L’exposition World Press Photo n’est donc pas uniquement centrée sur les manchettes des journaux. Brassant large, elle permet de découvrir des séries plus documentaires, de s’informer sur des sujets inattendus et de réfléchir à des problématiques contemporaines.
La série photographique «Beckon Us From Home» (L’appel du pays) de Sarah Blesener, gagnante de la catégorie Projet à long terme / Stories, met ainsi en parallèle des clichés pris en Russie et aux États-Unis documentant la formation paramilitaire et ultra patriotique d’enfants et d’adolescents en un dialogue quelque peu inquiétant.
Plus réjouissantes mais tout aussi informatives sont les séries «Falcons and the Arab Influence» (Brent Stirton, 1er prix Nature), sur la résurgence de la fauconnerie dans le monde arabe; « Colombia, (Re)Birth» (Catalina Martin-Chico, 2e prix Contemporary Issues), un reportage haut en couleur documentant un baby-boom au sein du mouvement FARC en Colombie; ou encore «Land of Ibeji», sur les naissances gémellaires au Nigéria (Bénédicte Kurzen et Sanne de Wilde, 1er prix Portraits).
Six expositions pour le prix d’une
À l’étage, d’autres expositions sont offertes au regard des visiteurs. Radio-Canada propose un florilège de photographies d’actualité accompagnées d’explications rédigées par leurs auteurs et autrices, journalistes pour le diffuseur public du pays.
Dans une petite salle se trouve une très intéressante rétrospective sur le journal L’Itinéraire, dont les camelots sont bien connus des habitants et des habitantes de la métropole. Une belle occasion d’en savoir plus sur ce journal et sur les personnes qui en permettent la diffusion. On trouve également à l’étage quelques photographies de Monia Chokri — cinéaste, scénariste et comédienne, également porte-parole de l’édition 2019 du World Press Photo — rassemblées dans une courte expo intitulée «Crépuscule amour, je te sais intime».
Avec «Regards: les visages de la coopération volontaire», Oxfam-Québec rend hommage à des hommes et femmes impliqués dans la coopération internationale et la lutte contre la pauvreté. Pour finir, une courte vidéo présente le projet «Cités millénaires. Voyage virtuel de Palmyre à Mossoul», développé par l’Institut du monde arabe, Ubisoft, l’UNESCO et d’autres partenaires, visant à proposer des visites virtuelles dans des sites menacés de destruction.
En redescendant dans la salle principale par le grand escalier, on peut s’arrêter devant un écran sur lequel sont diffusées des photos de Montréal prises par des journalistes de La Presse.
Si vous vous intéressez à l’actualité, que vous aimez les documentaires et l’art photographique, allez vite au Marché Bonsecours admirer les clichés du World Press Photo! Attention, en fin de semaine l’exposition est très achalandée.
À voir au Marché Bonsecours jusqu’au 29 septembre.