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Crédit photo : Mathieu Pothier
Depuis l’époque où Pierre Lapointe prit la plume pour écrire «Je suis un lion imberbe», la créature de scène a amplement repris le poil de la bête en connaissant la gloire avec La Forêt des mal-aimés. Et pour cause, malgré ce temps froid et gris, de la rue Sainte-Catherine à la scène Bell, une foule bien dense l’attendait pour célébrer avec lui le 10 ans de ce grand album, déjà empreint de nostalgie, au moment de la création.
Pour bien saisir l’ambiance, oublions pour un moment l’enfant frondeur qui était venu sur cette même scène, deux ans auparavant, et avait fait transmettre aux spectateurs des jouets gonflables pour partager son esprit festif. Le 11 juin, à 21h, le moment de la célébration s’annonçait bel et bien, mais plutôt sur une note plus solennelle que légère. On sent, en effet, souvent un vent de folie qui souffle sur les prestations de Lapointe, pour venir en couvrir la tristesse qui l’inspire, mais pas ce soir-là.
Le public y retrouve plutôt l’artiste soucieux de la force évocatrice de chaque détail: dans les circonstances, cela signifia pour lui de retracer et de ramener sur scène avec lui toute son ancienne équipe de la Forêt des mal-aimés de la dernière décennie pour faire revivre avec elle les premiers partages autour des créations qui précédèrent 2016 et un concept scénique similaire à celui de l’époque. De savoir que le même concert s’était valu le «Félix du spectacle de l’année» en 2007 est déjà une bonne partance, mais il n’en constitue pas moins une redécouverte pour ceux qui ont davantage connu sa pétulance des dernières années.
Une chose est sûre, les effets visuels, à partir des jeux d’ombre et de couleur sont d’une qualité encore épatante, mais il demeure étonnant de retrouver en son centre l’être timide d’autrefois, qui bouge peu et avec une certaine maladresse. Heureusement, Pierre Lapointe passe la majorité de son temps au piano. Entre les pièces, le grand Lapointe se permet de courtes assertions où il s’excuse presque pour la tristesse de ses thèmes ou à taquine son public, comme un vieil ami, avec une pointe de cynisme, avant de reprendre la musique. Une attitude aussi intimiste est-elle optimale devant des milliers de personnes? Heureusement, les écrans géants aident un peu.
Pierre Lapointe n’est pas de ceux qui cherchent à faire de l’ombre à l’équipe qui l’entoure, au contraire. Il laisse déployer les talents de Josianne Hébert qui l’accompagne à l’accordéon, mais aussi au piano, parfois à quatre mains, ainsi que des musiciens au violon, au violoncelle et à la batterie, multiplient les coups de foudre harmoniques, laisse aussi place à quelques cacophonies. En effet à force de vouloir mettre tout le monde en valeur et de trop s’amuser avec les distorsions, les arrangeurs font parfois passer au public des moments difficiles.
Mais au bout du compte, demeure cette simplicité de quelques passages accompagnés au piano, ou surpris par une tirade de violon, qui parviennent à galvaniser la foule. Lapointe prend tout de même le soin de terminer par une transition de la nostalgie à une interprétation plus joyeuses de Nous n’irons pas et Deux par deux rassemblés, où l’on sent déjà prêt à renaître, comme un Phoenix, celui que l’on a connu durant les dernières années, avant de nous laisser sur un dernier air rappelant la tendresse des berceuses.
On le quitte donc avec l’impression que, dans les forêts ou ailleurs, les vents et les saisons passent, mais la sensibilité reste.
Grille des chansons
1. La Forêt des mal-aimés
2. Debout sur ma tête
3. 25-1-14-14
4. Étoile étiolée
5. Plaisirs dénudés
6. Reine Émilie
7. Qu’en est-il de la chance?
8. Vous
9. Tel un seul homme
10. Au nom des cieux galvanisés
11. Hyacinthe la jolie
12. Au 27-100, rue des Partances
13. De glace
14. Le lion imberbe
15. Tous les visages
16. Nous n’irons pas
17. Le Maquis
18. Le colombarium
19. L’endomètre rebelle
20. Au pays des fleurs de la transe
21. Au suivant (reprise de Jacques Brel)
22. Deux par deux rassemblés
Rappel
23. Pointant le Nord