SortiesL'entrevue éclair avec
Crédit photo : Adil Boukind
Olivier, c’est un plaisir d’avoir un brin de causette avec vous aujourd’hui! Vous qui êtes originaire de Grenoble, en France, vous avez un parcours, ma foi, bien rempli: votre passion pour les arts vivants vous a permis de travailler à la Scène Nationale de Dieppe, au Théâtre de la Bastille, puis au Théâtre de la Cité internationale à Paris. C’est en 2015 que vous succédez à Jack Udashkin en devenant le directeur général et artistique de La Chapelle Scènes Contemporaines, à Montréal. Comment ces expériences variées ont forgé la personne que vous êtes aujourd’hui?
«Tout a commencé à Grenoble où, adolescent, j’assistais à la représentation scolaire d’une adaptation de Boule de suif de Guy de Maupassant. Dans une salle digne d’un champ de bataille, ma passion pour le théâtre prenait son envol.»
«Les années qui ont suivi n’ont cessé de conforter ce désir d’aller toujours plus loin dans la découverte des arts de la scène et de saisir toutes les occasions qui se présentaient à moi pour voir et rencontrer les artistes à travers le monde et de toutes les générations.»
«D’un théâtre à l’autre se confirmait mon désir d’être au plus proche de la création et des artistes. La Chapelle Scènes Contemporaines m’offre depuis sept ans maintenant un formidable espace pour entretenir cette relation.»
Parlez-nous de votre premier contact avec la scène montréalaise. Aussi, on aimerait en savoir plus sur votre vision de la création contemporaine multidisciplinaire dans tout ce qu’elle a d’audacieux et de révélateur du génie artistique.
«Dès mon premier poste dans le domaine des arts de la scène, à la scène nationale de Dieppe, nous organisions là-bas des résidences et des créations techniques, et la première compagnie que nous avons invitée en résidence était le Carré des Lombes de Daniel Desnoyers, une Montréalaise.»
«À partir de là, ç’a été le premier contact avec une équipe artistique de Montréal et un contact qui a perduré, puisque j’ai rencontré Marie-André Gougeon, qui était elle-même répétitrice de la compagnie, et avec qui j’ai gardé un contact depuis toutes ces années.»
Au fil des ans, c’est elle-même qui a commencé à me parler de la scène montréalaise et elle m’invitait à venir à Montréal pour les festivals, notamment pour CINARS (Conférence internationale des arts de la scène).»
«Petit à petit au fil de cette relation, ça m’a permis effectivement de rencontrer des artistes du champ chorégraphique, d’en inviter certains et certaines dans le cadre d’événements qui avaient lieu au théâtre où je travaillais à Paris, au Dieppe mais aussi à la Bastille.»
«C’est ce qui a fait qu’après, avec ce parcours, j’ai connu la scène montréalaise.»
À La Chapelle Scènes Contemporaines, vous vous faites un point d’honneur d’accorder à l’émergence artistique une place d’honneur au cœur de vos programmations. Parlez-nous brièvement de ces «nouveaux» artistes à découvrir sur-le-champ et qui feront vibrer tous nos sens au sein de cette nouvelle saison 2022-2023, que nos lecteurs peuvent découvrir dès maintenant sur votre site internet.
«C’est effectivement l’un des mandats de La Chapelle d’accompagner les parcours des artistes émergents, donc c’est pour nous un plaisir sans limite de circuler d’un projet à l’autre.»
«Saison après saison, nous avons ce mandat commun d’accueillir une grande majorité d’artistes émergent∙e∙s. L’une des spécificités est d’être ouvert à tous les champs disciplinaires, de chercher et de présenter des artistes et des projets qui jouent sur les frontières des disciplinaires, ce qu’on appellerait, nous, “l’interdisciplinaire”.»
«La saison 2022-2023 est très représentative de cette transversalité et on peut, quel que soit le projet par rapport à la discipline, y trouver de nombreux croisements avec autant de formes qu’il y a de disciplines.»
Bien sûr, ce menu interdisciplinaire n’accorde pas une place qu’aux «apprentis», puisque bon nombre d’artistes établis fouleront votre scène, et ce, tout au long des prochains mois. De Roxane Loumède à Mathieu Arsenault et Christian Lapointe, en passant par Claudia Chan Tak et Emmanuel Schwartz – sans oublier les concerts de Thus Owls et du Quatuor Bozzini, avec Le Vivier qui s’invite chez vous – il y en aura pour tous les goûts, vraiment! Dites-nous ce qui vous a attiré dans ces univers hétéroclites, et profitez-en pour nous partager vos incontournables?
«Ces artistes établis peuvent se permettre de présenter des créations choisies parce qu’ils peuvent le faire à La Chapelle. Cet espace ouvre des opportunités d’explorer des avenues pour tous les artistes, qu’ils soient émergent∙e∙s ou établi∙e∙s.»
«En dehors de cette question des frontières disciplinaires et de la transversatilité, l’outil que nous avons, la salle, est aussi très appréciée du public comme des artistes. À partir du moment où des créateurs au parcours reconnu veulent venir ou revenir à La Chapelle, il y a autant ce désir d’aligner le projet à ce que porte La Chapelle dans sa lignée artistique que ce plaisir de trouver un outil complet, très apprécié, autant par son volume que par son acoustique ainsi que son rapport au public et à la scène. Dans ce contexte, c’est intéressant de recevoir des artistes dans cette salle qui possèdent toutes ces qualités.»
«Chaque artiste invité∙e dans la saison a, chacun à sa manière, une approche qui interroge autant le rapport aux disciplines que le sujet.»
En tant que directeur artistique fort d’une expérience qui a traversé les âges – et même l’océan Atlantique! –, on se doute que vous ne manquez pas de flair ni d’inspiration pour exercer ce métier. Jusqu’ici, vous avez réussi à créer diverses synergies entre bon nombre d’artistes et spectateurs, et ça, juste ça, c’est déjà honorable. Mais si vous aviez carte blanche pour organiser LE spectacle le plus ambitieux de votre carrière, quel serait-il, et pourquoi?
«Plutôt que d’un spectacle, je parlerais d’une saison. Mon rêve, une année, ou plusieurs années, c’est selon, serait d’avoir une saison entière consacrée à une seule pièce qui serait exposée à autant d’artistes que de disciplines et où chacun∙e donnerait sa vision de cette pièce.»
«Je prends par hasard le Macbeth de Shakespeare, qui serait monté par 25 artistes de tous les horizons. Donc, ce serait 25 spectacles différents où chacun∙e donnerait sa vision de la pièce.»
«Pour moi, ce serait l’occasion de rendre compte de ce qui est au cœur de la scène des arts vivants, à savoir la vision que les artistes ont sur une œuvre et sur une dramaturgie. Évidemment, le travail d’écriture est très important, mais moi, ce qui m’a toujours intéressé, c’est la vision de la personne, et ce, peu importe sa discipline.»