Le spectacle «Ornithologie, la nuit», présenté au Gesù à l’occasion des FrancoFolies de Montréal

Si chacune des chansons de Philippe B est particulière, certaines sont plutôt contradictoires, présentant des accords mineurs et étant plus souvent qu’autrement très lentes bien que les paroles soient «joyeuses». Ou alors elles mettent de l’avant un tempo un peu plus rythmé, mais avec des paroles très déprimantes, comme «California Girl». Cela fait partie du personnage qu’est l’auteur-compositeur-interprète, qui s’est rendu compte, sur son dernier opus, que plusieurs chansons étaient très ancrées dans les saisons.

Il a d’ailleurs composé «Une vraie toune de Noël!» sur son tout premier disque homonyme, «Les prisonniers du Lac Dufault», qui a laissé les musiciens et choristes devenir une vraie chorale de Noël, tout en douceur. Avant de l’entamer, il a d’ailleurs émis l’idée, rieur, que «si jamais je suis mal pris et que ça ne marche pas mes affaires, je me dis qu’un petit disque de Noël, ça n’a jamais fait de mal à personne…» Il ne devrait pas en avoir besoin, toutefois, puisque qu’il maîtrise avec brio la guitare, avec un peu moins d’assurance le piano, mais sa poésie demeure charmante et il a une oreille indéniable pour les mélodies et les arrangements.

C’est d’ailleurs accompagné de trois musiciens (Jérôme Dupuis-Cloutier à la trompette, Renaud Gratton au trombone et Guillaume Bourque à la clarinette, clarinette basse et au saxophone) et de deux choristes (Amélie Mandeville et Audrey-Michèle Simard) que Philippe B a présenté dix des pièces d’Ornithologie, la nuit, un album qui se voulait moins lourd que les précédents, très réussi dans les paroles, mais moins dans les airs composés. Plus d’une heure de ballades tranquilles, avec la voix  un peu feutrée de l’artiste, ça pourrait devenir lassant. Pourtant, le public rassemblé au Gesù jeudi était aussi attentif et à l’écoute que s’il s’était retrouvé à l’étage supérieur, dans l’église. Attendant la toute fin des pièces, dans un silence religieux, pour applaudir, il n’y a aucun doute que le public de Philippe B sait apprécier ses créations.

Et il a raison de les apprécier, puisque plusieurs morceaux ont été arrangés de façon tout à fait splendide, comme «Marie», qui a montré un Philippe B seul, avec sa guitare, son harmonica et un éclairage diffusé seulement sur lui, créant une ambiance des plus intimes. «L’année du serpent», s’est aussi révélée très touchante, alors que «Cheveux courts, cheveux longs» a laissé entendre une très belle déclaration d’amour, poignante. Sans oublier les cuivres, plus présents dans Ornithologie, la nuit, et bien utilisés, hier, par exemple pendant «California Girl» ou encore «Lucioles», où les instruments à vents donnaient une allure de musique de cirque festif au morceau.

Philippe B représente parfaitement son personnage d’oiseau nocturne qu’il s’est forgé au fil du temps, composant beaucoup la nuit, dans une ambiance intimiste, ce qui, assurément, teinte ses ballades folk-pop. Désirant assumer sa spécificité jusqu’au bout, il n’a pas peur d’offrir des chansons lentes, voire même «la plus lente jamais écrite, la plus lente jamais jouée et même la plus lente jamais entendue, je pense», comme c’est le cas pour «L’amour est un fantôme», offerte en rappel. Mais il n’en demeure pas moins qu’il la justifie beaucoup, sa singularité.

Avec beaucoup d’humour et d’autodérision, l’artiste abitibien a longuement présenté plusieurs chansons, allant d’anecdotes sur son amour pour Montréal à des explications sur ses inspirations en musique classique, pour créer Variations fantômes (2011), passant même par une bien drôle d’histoire avec Louis-Philippe Gingras, qui a fait paraître «Fortune Cookie» en même temps que Philippe B écrivait «Biscuit chinois», une pièce qu’il croyait originale avant de voir que quelqu’un d’autre sortait la même chose au même moment. Des histoires, il en a sans doute autant que de mélodies dans sa tête, et s’il est très généreux en s’adressant au public et en expliquant beaucoup de ses démarches artistiques, il faut dire qu’on sent malgré tout que le spectacle Ornithologie, la nuit, n’est pas encore fignolé au niveau de son enchaînement, et que sans doute une certaine fébrilité incite le musicien et chanteur à bavarder autant.

Qu’à cela ne tienne, ses anecdotes sont charmantes, autant que le personnage, et on se plait à traverser les saisons avec lui, en passant de «Nous irons jusqu’au soleil» jusqu’à la sublime «Calorifère», qui se veut joyeuse, bien que ses paroles débutes par «Tu pleures». C’est d’ailleurs avec «L’été» qu’il a laissé son public, après avoir prouvé qu’un oiseau de nuit peut être aussi à l’aise devant un public, guitare à la main, que la nuit, devant son cahier d’écriture.

Safia Nolin

Elle a remporté le prix SOCAN de la chanson primée en 2012 au Festival international de la chanson de Granby pour «Igloo», sa première chanson composée qui traite de Limoilou, «un quartier statique» dans la basse-ville de Québec. Maintenant signée chez Bonsound, Safia Nolin correspond effectivement à la tendance appréciée en musique actuellement et semble connaître sa guitare comme le fond de sa poche, bien que la technique utilisée, un mélange de fingerpicking mélodieux et d’accords plaqués, se répète beaucoup d’une chanson à l’autre, sans se renouveler. Néanmoins, sa poésie est charmante, sa reprise de «The Great Optimist» de City and Colour l’était aussi, tout comme cette nouvelle chanson, composée la semaine dernière, qu’elle était nerveuse de jouer, mais qui s’est révélée très touchante et bien sentie. Malgré quelques présentations timides et maladroites, Safia Nolin a bien assuré la première partie de Philippe B, avec sa folk-pop teintée de rock grâce à la guitare électrique de Rick Haworth. Son futur premier album, dont la sortie est inconnue jusqu’à ce jour, est à surveiller.