SortiesConcerts
Crédit photo : Mathieu Pothier
Qu’importe, au fond, aux vrais admirateurs, puisque ceux-ci connaissent les paroles, parfois même jusqu’à les réciter d’un bout à l’autre, dans le cas des prestations de Manu Militari, qui fut décidément la coqueluche de l’évènement. Mais déjà, dès la seconde pièce de la soirée, le public a spontanément transformé les couplets de Rymz en chanson à répondre, tellement il les a dans la peau.
Ce n’est cependant qu’à partir de Cicatrice, sa seule pièce extraite de l’album La Force du nombre 2, que l’on a pu vraiment savourer les mots de Rymz. Il l’a mise en valeur par le soutien de deux autres accompagnateurs et d’un éclairage subtil, et l’effet a agi assez rapidement pour gagner l’enthousiasme pour cette nouvelle œuvre. Mais un des moments les plus forts de sa prestation a eu lieu lorsque Rymz a interprété une de ses créations de 2014, «La loi des trois singes», qui a séduit davantage par son ardeur animale que par ses mots.
Cette présence a été suivie de celle du très ardent Souldia, qui s’est lancé d’emblée avec «Le rappel», sa contribution à la Force du Nombre 2. Dès le départ, sa prestance très physique, ses images fortes et sa voix d’enragé ont su capter l’attention de l’auditoire. Peut-être parce que le contexte se prêtait mal aux subtilités, l’enchaînement de textes à thématiques plus apocalyptiques les uns que les autres, toujours alimentés par la même rage, a fini toutefois par laisser l’impression qu’il s’agissait d’une longue pièce qui n’en finissait plus. En ce sens, l’impression qu’a choisi de laisser Souldia, reprenant, en conclusion, le très classique thème de la relation à l’écriture, constituait une pertinente variation.
C’est cependant lorsque le tour est venu à Manu Militari de s’emparer de l’avant-scène pour reprendre «Le rappel», une seconde fois, avec Souldia, que cette création a atteint son effet culminant. Il faut dire que tout ce qui passe par la bouche de Manu Militari semblait porté aux nues, ce soir-là. Pourtant, comparé à Souldia, le rappeur ne dégageait pas autant de fougue. Mais chaque mot (pour ce que l’on parvenait à entendre) semblait bien senti et d’un effet de provocation réfléchi; mais justement, ces mots et ces gestes laissaient cette impression de parfait calcul, un peu comme un riche poème en alexandrins… version moderne et plus rugueuse.
À sentir l’ambiance générale, on a tout à coup envie de croire que l’esprit poétique soit un besoin vital pour cette génération techno, qui tient le poing bien haut, avec un cellulaire qui filme au cœur de sa main… Il était d’ailleurs étonnant de constater à quel point les spectateurs sont venus en pays de connaissance et que les trois seules pièces effectivement contenues sur l’album en lancement ce soir-là semblaient déjà connues et bien fredonnées grâce à la superbe vidéo promotionnelle de l’album, m’avoueront quelques-uns d’entre eux.
Quand même, trois pièces extraites de tout un album pour en représenter l’ensemble, dont l’une, «Avant Mon dernier adieu», n’est même pas le fruit de l’un des trois interprètes principaux de la soirée, ce n’est pas énorme. Qu’importe, les artistes semblaient aussi là pour autre chose. Sous les vers souvent inaudibles a semblé se glisser une heureuse promesse, celle de se retrouver, plus tard, sur des scènes bien à eux. Manu Militari en a même profité pour annoncer le lancement de son prochain album, le 20 novembre, au Le National.
L'avis
de la rédaction