«Le Funambule» de Jean Genet au Studio littéraire de la Place des Arts: place au texte! – Bible urbaine

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«Le Funambule» de Jean Genet au Studio littéraire de la Place des Arts: place au texte!

«Le Funambule» de Jean Genet au Studio littéraire de la Place des Arts: place au texte!

Publié le 24 avril 2012 par Luba Markovskaia

La Cinquième salle est plongée dans une atmosphère d’intimité, dans une noirceur enveloppante. Une chaise et une petite table, munie d’un micro, d’un verre d’eau et d’une liasse de papiers, sont les seuls éléments éclairés. Par le truchement d’un habile jeu d’éclairages, un personnage apparaît, assis à la table. Alors que la noirceur se dissipe, on comprend qu’on entre dans un univers parallèle, où Genet est venu nous livrer son grand texte, puisque le comédien Roger La Rue a les cheveux rasés et porte des vêtements qui évoquent la figure de l’auteur.

Le comédien lit le texte avec une admirable retenue qui contribue à maintenir cette atmosphère d’intimité, favorisée en cela par le micro puissant qui capte le moindre son et lui permet d’adopter un ton non pas déclamatoire mais murmuré. Il ménage les effets de voix, économise les gestes, en ponctue si judicieusement la lecture que le public est suspendu à ses lèvres. On a l’impression d’assister en voyeur à cet apologue adressé à un grand absent serti de paillettes d’or, l’acrobate Abdallah.

Roger La Rue, juste, posé et efficace, s’efface derrière le texte. Le comédien semble avoir adopté le précepte de l’auteur: «Ton fil de fer charge-le de la plus belle expression non de toi mais de lui. Tes bonds, tes sauts, tes danses – en argot d’acrobate, tes flic-flac, courbettes, sauts périlleux, roues, etc…, tu les réussiras non pour que tu brilles, mais afin qu’un fil d’acier qui était mort et sans voix enfin chante…» Comme le funambule rêvé de Genet, le comédien, dans sa lecture, ne cherche pas à briller, mais à redonner la voix à un auteur mort.

La musique est très discrète, n’apparaissant qu’au début et, brièvement, vers la fin de la lecture. Elle évoque le cirque, lieu invoqué par l’auteur du Funambule, qui en fait le décor de son art poétique écrit sous la forme d’un poème amoureux. Les éclairages ne sont utilisés que pour créer les effets de début et de fin. Bref, tout – le son, la lumière, la performance – ne sert qu’à soutenir le texte pour mieux le rendre dans toute sa nudité et son intensité. C’est là que réside la force de cette série de performances qu’est le Studio littéraire. C’est cette place essentielle accordée au texte, lequel est dépouillé de tout élément superflu.

Appréciation: ****

Crédit photo: Roger Parry

Écrit par: Luba Markovskaia

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