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Crédit photo : Andréanne LeBel
C’est avec «Fil de soie», la pièce d’ouverture de son dernier projet, que Marie-Pierre Arthur a ouvert la soirée, entrant sur scène le sourire aux lèvres, la basse dans les mains, cinq hommes autour d’elle – et une femme, Erika Angell (Thus:Owls) à la tambourine et aux voix – prête à faire danser le Cabaret du Mile-End. Avec les sublimes éclairages de Mathieu Roy déjà mis à contribution en se collant à la perfection aux rythmes percutants de la batterie, il apparaissait déjà clair que cette tournée allait se terminer de grandiose façon.
Marie-Pierre Arthur l’a dit, cela faisait un mois et demi que ses musiciens et elle ne s’étaient pas vus, et ils se retrouvaient maintenant «Pour une fois», la dernière de cette tournée. Entamant la quatrième piste de l’album, la chanteuse a d’ailleurs eu quelque mal à se souvenir des paroles de sa chanson, alternant entre des vides achevés par le dernier mot de la strophe et des phrases marmonnées de façon incertaine, compréhensibles seulement pour ceux qui connaissent déjà les paroles par cœur. Qu’à cela ne tienne, l’énergie de l’artiste et les nombreux solos entraînants à la guitare électrique ou aux claviers ont prouvé que les musiciens avaient manifestement du plaisir à se retrouver sur scène, ce qui a permis au public d’oublier vite fait ces imperfections.
C’est qu’elle est née pour être sur scène cette Gaspésienne! À de nombreuses reprises durant la soirée, elle a fait participer l’assistance, soit pour taper des mains ou claquer des doigts, soit pour chanter, comme durant la magnifique «Elle» issue de son premier album, qui a offert un moment de grande beauté avec Joe Grass au banjo et une musique et des éclairages plus élémentaires, permettant ainsi de mettre l’accent sur la voix de la chanteuse et sur celle de sa chorale improvisée, qui laissait aller de subtils «Ah Ah», suivant le rythme des mains de Marie-Pierre qui battait la cadence. Elle aura même entraîné son groupe à se balancer de gauche à droite sur la scène, tous en parfait synchronisme, pendant «Chacun pour toi», ce qui a créé un effet de mimétisme dans la foule qui suivait en tapant des mains.
Souriante, amusante et simple, Marie-Pierre Arthur est aussi fidèle à ce qu’elle a enregistré sur disque. Elle a une voix à tout casser qui, justement, ne casse pas, malgré les notes aiguës qu’on peut retrouver dans des pièces comme «Encore là» ou «Déposer les armes». Elle a aussi pu démontrer la puissance de sa voix en rappel lors de son interprétation unplugged d’«À partir de maintenant», avec Joe Grass au banjo, Guillaume Doiron à la guitare acoustique et son batteur, José Major, à la voix en harmonie avec la sienne, avant que tous les musiciens ne reviennent pour une finale toute en intensité, l’électricité reprenant du service et donnant lieu à une envolée musicale interminable mais complexe et riche.
Dirigés de main de maître par François Lafontaine (claviers) qui tient lieu de directeur musical, les musiciens qui accompagnent Marie-Pierre Arthur ont du talent et n’ont pas peur de se laisser aller à de nombreux élans instrumentaux, comme durant la planante «Droit devant», qui laisse à entendre une voix avec un peu d’écho, mais surtout des couplets pesants où guitares, batterie et cymbales se joignent à des solos de claviers créant de nombreuses sonorités électroniques. Mais les musiciens se sont aussi avérés être de talentueux chanteurs, reprenant tour à tour chacun un couplet de «Jealous Guy» de John Lennon, après que leur leader féminine ait parti le bal, ce qui a permis de découvrir la voix chaleureuse et joliment grave de Guillaume Doiron.
Quasiment en transe durant certains moments d’émotion ou d’intensité, Marie-Pierre Arthur et ses musiciens ont non seulement eu du plaisir à se retrouver en tant qu’équipe, se taquinant gentiment à quelques reprises, mais aussi à se retrouver sur scène, leur habitat qui semble tout à fait naturel. Grande interprète, Marie-Pierre Arthur est aussi une grande artiste qu’il fait plaisir de voir aller et c’est à regret que ses spectateurs l’ont laissée aller, mercredi soir, après son dernier spectacle pour un bon moment, mais toujours avec l’espoir de la retrouver rapidement avec de nouvelles compositions, et surtout avec la même énergie.
Joe Grass
Guitariste émérite et réalisateur d’album (Laurence Hélie) de talent, Joe Grass a longtemps travaillé en second plan, accompagnant notamment Lhasa de Sela ou encore Patrick Watson. Avec son charisme indéniable et sa voix chaleureuse, un brin éraillée, l’auteur-compositeur-interprète d’origine néo-brunswickoise a pourtant tout ce qu’il faut pour prendre les devants. En ouverture de Marie-Pierre Arthur, qu’il accompagne également pour sa tournée «Aux alentours», Grass a révélé son folk électrique et éclaté en offrant cinq pièces aux ambiances singulières.
Chaque chanson fait l’effet d’un voyage, alternant entre la douceur onirique durant laquelle la voix craque sans faire tiquer, et l’intensité d’envolées musicales percutantes qui mêlent un violon parfois frotté, parfois frappé, à l’aide du bois de l’archet, mais aussi un saxophone basse et une batterie dynamiques. Grass sait créer des atmosphères et sa musique, à forte tendance folk, avec une touche d’harmonica et une musique plus épurée, parfois plutôt électrique, saisit le spectateur non seulement en raison de ses effets et de ses sons divers, mais aussi grâce aux nombreuses modulations de rythmes et leurs reprises avec éclat. Joe Grass compte deux albums à son actif et son dernier, Deadlocks, est paru en 2011. www.joegrass.com.
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de la rédaction