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Crédit photo : Laurence Labat (photos) / Giovanna Buzzi (costumes)
D’entrée de jeu, il faut l’admettre, le spectacle est inégal. La narrativité est foncièrement chaotique, la ligne directive, imprécise, et le protagoniste est particulièrement déficient, peu charismatique et prévisible dans ses gags qui ont néanmoins charmé les plus jeunes. Il faut toutefois admettre, il n’en déplaise à l’imaginaire de Kurios, la poésie d’Amaluna ou les avancées technologiques du Totem de Robert Lepage, qu’on a ici une poésie visuelle sans pareil. Ainsi, et en resserrant un peu ici et là et en revisitant quelques passages, on peut sans peur avoir la certitude de détenir l’une des plus belles réussites du Cirque du Soleil.
En effet, du côté de la mise en scène, c’est la totale, et la qualité des accessoires aura rarement été aussi foudroyante. Le souci du détail et l’inventivité que l’on déploie pour nous surprendre, notamment avec ces morceaux de costumes qui évoquent, avec ingéniosité, des animaux en mouvement, n’en finissent plus d’éveiller notre cœur d’enfant.
Luzia est plus que jamais un spectacle d’ensemble alors qu’il est difficile de se concentrer sur un seul détail pour en admettre la véritable beauté qui ne se dévoile qu’avec le tout. Du coup, ceux qui trouvent qu’on ne sait jamais où donner de la tête quand on va au Cirque du Soleil auront encore bien raison, puisqu’il se passe tellement de choses sur scène (ou même ailleurs, comme les diverses projections en arrière-plan ou directement sur la toile du chapiteau, par exemple) que de le revoir ne ferait certainement pas de tort pour être certain de ne rien rater.
Et cette surenchère apporte un sentiment rassembleur, qui nous présente la troupe comme une grande famille plutôt que divers artistes qui se volent constamment la vedette. Après tout, les moments où ils partagent tous la scène sont plus nombreux que les moments où ils sont en mini groupes, et donnent constamment ces airs d’une fête que nos yeux prennent plaisir à se délecter.
Ce festin visuel et bien rempli permet également une belle fluidité au sein des numéros, qui ne rivalisent pas nécessairement en originalité. Il y a difficilement une discipline ici que l’on n’a pas vu auparavant, mais les circonstances changent la donne et on a autant de plaisir à apprécier Luzia comme si c’était la première fois qu’on voyait de la jonglerie ou de l’équilibre sur cannes, par exemple. Après tout, la création semble y aller du leitmotiv suivant: le mouvement. Démontrant que tout bouge et que tout doit bouger, que ce soit l’eau, le corps humain, la scène ou les accessoires, rendant quasi-improbables les temps morts et l’essoufflement, le regard est constamment sollicité.
Bien sûr, il y a sans conteste des tableaux qui ressortent du lot et de nouvelles preuves que la compagnie est encore en pleine mesure de nous river au bout de notre siège, notamment lorsque Krystof Holowenko se fait aller sur sa gigantesque balançoire 360. Si Aleksei Goloborodko coupe le souffle de tous les spectateurs avec ses capacités abasourdissantes de contorsion, on se surprendra à redécouvrir le soccer et le basketball dans un numéro de danse football inédit mené de pieds de maître par Laura Biondo du Venezuela et Abou Troaré de la Guinée. Un numéro qui ne manque pas de belles idées, mais qui s’étire un peu, transformant tranquillement la surprise en redite. Il en va de même avec le numéro de Mâts et pôles, qui noie un peu les acrobates dans leur environnement.
Néanmoins, le numéro de Roues Cyr et de trapèze sous la pluie, puis devant les cactus qui s’agitent, sous la supervision d’un immense soleil, demeure l’un des plus réussis et accomplis de tout le spectacle. Et si l’on parlera longtemps de cette technique aux limites incompréhensibles, qui permet de créer toutes sortes de motifs avec de l’eau qui tombe (vous avez bien lu!), le segment du quatuor adagio remporte la palme pour être le plus bouleversant de tous. Une synthèse admirable où des hommes contorsionnent et font tournoyer comme bon leur semble une femme alors que la musique ne fait qu’un avec le numéro.
Enfin, un dernier mot sur les excellentes compositions musicales de Simon Carpentier, qui évoquent avec une richesse singulière tout ce que le Mexique a de plus beau à offrir, accordant au très beau Luzia sa touche finale et dorlotant l’ensemble de son atmosphère si réconfortante. Un spectacle dont les plus belles images sauront bercer notre imaginaire encore longtemps une fois que tous auront quitté la scène.
«Luzia» est présenté sous le Grand Chapiteau situé au Vieux-Port de Montréal jusqu’au 17 juillet prochain 2016.
L'événement en photos
Par Laurence Labat (photos) / Giovanna Buzzi (costumes)
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