L’anarchie et la poésie au FIL: «Trois poètes libertaires du XXe siècle: Prévert, Vian, Desnos» – Bible urbaine

SortiesFestivals

L’anarchie et la poésie au FIL: «Trois poètes libertaires du XXe siècle: Prévert, Vian, Desnos»

L’anarchie et la poésie au FIL: «Trois poètes libertaires du XXe siècle: Prévert, Vian, Desnos»

Publié le 24 septembre 2012 par Annabelle Moreau

Sur scène, ils sont trois. Trois hommes pour trois poètes du siècle dernier: Jean-Louis Trintignant à la voix, Grégoire Korniluk au violoncelle et Daniel Mille à l’accordéon. Le Théâtre Outremont s’illuminera deux soirs encore pour laisser entendre ces mots accordés à la beauté d’un rêvé oublié enfin révélé.

Le Festival international de la littérature (FIL) ne se lasse pas de l’inviter. C’est la quatrième fois que le grand comédien français, qui aura 82 ans en décembre, vient rendre hommage à des hommes de lettres: Louis Aragon, Guillaume Apollinaire et Jules Renard ont déjà eu droit à ses bonnes grâces. Présenté d’abord en France, ce spectacle littéraire y a connu un grand succès.

Là, le contrat est d’autant plus intrigant que ce sont trois poètes qui sont donnés à entendre, et sous le thème du libertarisme. Il faut voir là, la liberté individuelle la plus pure, l’anarchisme, le combat pour la liberté, avec tout ce que ça implique de violence, d’éclat, de déchirement, mais d’amour aussi.

C’est Trintignant, fou de poésie, qui a fait le choix des textes. Une trentaine en tout. Vian, Prévert, Desnos. Autant de poèmes, chansons, et même une courte nouvelle de Vian, sont interprétés, narrés, racontés, bref, donnés à écouter par un Trintignant qui les connaît tous par cœur. Un tour de force narratif, il les dit comme il respire, un sourire malicieux aux lèvres, un regard complice pour ses musiciens, parfois la tristesse, parfois la joie dans les yeux.

Le poète Trintignant

On vient pour Trintignant et ses trois poètes exaltés, mais on repart avec la douceur de la musique du violoncelle et de l’accordéon de Korniluk et Mille, le tout formant une mélodie où accalmie côtoie tristesse, violence et désespoir. Les trois hommes sont sobrement alignés sur scène: aucun décor, jeux de lumière ou autre flafla; mots enveloppés et notes pures dans le noir.

Trintignant est une force en lui-même. Grand acteur s’il en est: cinéma et théâtre, il a travaillé avec les plus grands réalisateurs et metteurs en scène depuis le début des années 1950. Et Dieu créa la femme (1956), l’un de ses films plus connus, ou encore Le conformiste (1971), et plus récemment Amour  (2012) de Michael Haneke. Sinon, sur les planches, Shakespeare, Ionesco, Reza: rien ne lui résiste.

C’est un immense acteur et son grand âge lui donne la force nécessaire pour incarner ses trois poètes disparus. Sa voix douce mais puissante résonne durant les 80 minutes du spectacle, sans jamais fléchir, parfois il se trompe, hésite, reprend, mais toujours émeut. Le poète c’est lui, le temps du spectacle du moins.

Le choix des textes est particulièrement judicieux, beaucoup sont tristes, tragiques, comme Le Dernier poème de Desnos, ou Les fourmis de Vian, d’autres sont comiques et désopilants, comme Histoire du cheval ou Adrienne de Prévert. Trintignant les alterne sans pudeur comme il changerait de chemise, chaque texte plus poignant, plus émouvant et déchirant que le précédent.

En fait, ce qui fait de ce spectacle un moment de pur bonheur hors du monde, une bonne histoire à raconter, c’est que justement, Trintignant et ses musiciens nous racontent une merveilleuse histoire par le biais de la poésie, des mots et de la musique. Des mots qui sonnent justes. Il est impossible de ne pas évoquer un grand-père qui, installé confortablement dans son fauteuil, prend le temps de raconter le monde et les hommes à ses petits-enfants.

Trintignant raconte donc et médite sur le monde. Il nous parle de la déportation de Desnos dans les camps de concentration, de l’écriture du Déserteur de Vian avant d’en faire la lecture avec la fin originale, beaucoup plus violente que celle que nous connaissons. Des mots pour des histoires pour trois poètes du XXe siècle.

«Trois poètes libertaires du XXe siècle: Prévert, Vian, Desnos», lundi 24 et mardi 25 septembre, Théâtre Outremont, dans le cadre du Festival international de la littérature (FIL).

À noter qu’un album a été tiré de ce spectacle: Vian Prévert Desnos: Trintignant, Korniluk, Mille (Universal Music).

Appréciation: ****

Crédit photo: Alexandre Vernerey

Écrit par: Annabelle Moreau

Vos commentaires

Revenir au début