SortiesFestivals
Crédit photo : Mathieu Pothier
Le répertoire qu’elle a offert au Club Soda a d’ailleurs contribué à nourrir l’aura de mystère autour de son style poétique puisque même si la belle vit en France et a épousé un Montréalais, on ne l’aura entendu chanter en français qu’une seule de ses prestations de toute la soirée. On y entendra, par contre, à quatre reprises, à quel point les belles rondeurs de la prononciation anglophone savent habiller sa voix et la mettre en valeur.
La belle Mathlouthi ne se laisse, en effet, pas facilement détourner du message qu’elle veut bien faire passer, pas même par la crainte de se contredire. Et pour cause: c’est entre «Ensen», qui dénonce le capitalisme et «Layem», et «Dhalem», qui dit, en arabe, «Oh tyran, un jour, tu deviendras victime», qu’elle réclame le droit de ne pas être considérée comme un porte-étendard ou associée à un drapeau. Cela ne l’empêchera pas d’entonner un chant traditionnel tunisien aussi librement qu’elle reprendra une chanson de Björk, auquel son style est souvent associé.
L’indéracinable emprise de sa culture originaire sur sa texture vocale, mêlée à son empreinte technologique et l’idéologie de son discours, mène à un résultat profondément percutant et moderne. Ce fragile équilibre entre la simplicité et sa recherche constante d’atmosphère troublante, qui se poursuit même dans ses ballades, atteint donc sa cible, sauf peut-être pour son utilisation du langage corporel, auquel l’artiste consacre des efforts évidents, mais où une petite touche de classicisme contribuerait sans doute à l’esthétique.
Le style charme tellement par l’effet de surprise qu’il nécessitera sans doute un petit moment avant que tous s’y apprivoisent. Mais déjà ceux qui savent l’écouter deviennent vite disposés à affronter l’inconnu, au point même que c’est avec ses merveilleuses harmonisations de Dhalem et de Layem, deux chansons encore en studio, qu’elle parvient à soulever la foule de son souffle, encore plus habilement qu’un vent du désert.
Lorsque, en fin de spectacle, les vers francophones de «À L’infini», se sont fait entendre, ceux-ci, d’un calibre nettement plus faible que le reste du répertoire, créent un moment de malaise. Celui-ci sera toutefois assez rapidement dissipé grâce à l’esprit solennel qu’elle a su faire renaître avec «Ma Lkit» et en terminant la soirée avec son grand classique hymne à la liberté qui, déjà, au moment de son premier album, avait su la faire ressortir de la mêlée.
L'avis
de la rédaction
Grille des chansons
1. Improvisation
2. Sallem
3. À cet instant (chantée en arabe)
4. Love is like
5. Ensen
6. Lost
7. Stranger
8. Layem
9. All is full of love (reprise de Björk)
10. Dhalem
11. Liberta
12. À l’Infini
13. Ma Lkit
Rappel
14. Bin Elwedyen
15. Kelemti Horra (Ma parole est libre)