La légèreté, avec ou sans hip-hop, dans «Winnin'» de Dany Desjardins au Théâtre La Chapelle – Bible urbaine

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La légèreté, avec ou sans hip-hop, dans «Winnin’» de Dany Desjardins au Théâtre La Chapelle

La légèreté, avec ou sans hip-hop, dans «Winnin’» de Dany Desjardins au Théâtre La Chapelle

Et s'il y avait autre chose, sous le rap?

Publié le 10 décembre 2014 par Marie-Hélène Proulx

Crédit photo : Frédéric Chais

Dany Desjardins règnera sur la scène de La Chapelle jusqu'au 13 décembre à titre de chorégraphe et d'unique interprète. Il y donnait rendez-vous au public en promettant d'attaquer d'un humour très noir le sentiment de supériorité et d'autosuffisance des rappeurs. Mais Desjardins ne s'arrête pas là et égratigne, au passage, toute la culture de facilité qui sous-tend l'industrie de la musique populaire américaine, en nous déstabilisant comme seul un concept de danse contemporaine sait le faire. D'ailleurs, après quelques minutes de gêne, on se demande encore, à la fin du spectacle: «Et la danse hip-hop, dans tout cela?»

La musique rap et les discours de rappeurs sont là, il est vrai, durant de longs moments, pour soutenir, de leur rythme, les gestes du danseur, avant que celui-ci ne tombe dans une parodie encore plus crue de la gestuelle des nymphettes chanteuses de pop. Mais dans un cas comme dans l’autre, l’interprète-chorégraphe semble garder son talent en réserve pour ne laisser apparaître qu’une gestuelle plus indolente rappelant, sous certains égards, mais pas toujours, les clichés du rap et d’autres vidéos de musique populaire.

Le véritable intérêt est donc ailleurs. L’attention est retenue par deux scènes qui présentent le narcissique en puissance que devrait être le rappeur dans son aspect le plus intime et même sa nudité. Bien que captivante sur le plan esthétique, par l’usage subtil de la luminosité sur le beau corps du danseur, la première scène n’est que peu fertile en mouvements, et la seconde, où le rappeur parle avec sa mère, suscite le rire, mais est nettement plus jouée que dansée.

Puis, apparaît le moment du contraste, celui où Desjardins se permet d’échapper, durant quelques courtes minutes, aux contraintes de son rôle, pour démontrer tout ce que son corps peut révéler de force et de souplesse, même sur des rythmes répétitifs et à partir de mouvements vaguement inspirés du hip-hop. Enfin, une exploration corporelle laisse espérer que l’artiste est prêt à révéler le meilleur de lui-même lorsque la lumière tombe. C’est fini. Nous aurons eu le plaisir de voir un enfant terrible s’amuser de sa propre vivacité et de la grossièreté des styles plus en vue.

Il suffit toutefois de marcher un peu plus dans l’ombre des rues et des petits festivals montréalais pour découvrir des danseurs de hip-hop aux aptitudes impressionnantes et des jeunes qui triment dès l’enfance pour le devenir. Dany Desjardins avait le droit, il est vrai, de se concentrer sur le culte de la personnalité plutôt que sur la richesse de la danse. Pourtant le travail, les gestes, l’art des danseurs de rue auraient pu donner lieu, avec un peu de recherche, à une élégante critique, qui reconnaît certaines beautés à l’univers qu’elle attaque à bras le corps. La souffrance des milieux durs qui sous-tend les stéréotypes et le verbiage, en apparence parfois un peu creux des artisans du hip-hop, recèle elle aussi son lot de richesses, où l’accent mis sur l’effort des «self-made-men» prend tout son sens. En quelques minutes, Desjardins nous a démontré qu’il aurait eu le talent d’interprète pour l’exprimer.

Mais ici, l’heure était plutôt à la légèreté comique et à l’attente… d’une révélation qui ne vient pas, à l’intérieur d’une œuvre qui devait parler de quoi déjà? D’autosuffisance?

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