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Crédit photo : Chris Pollock
Le phénomène des boys band est déjà à l’agonie, du moins aux États-Unis, et après quatre albums aux thématiques semblables, avec les années qui passent, le trio manque légèrement de mordant. Leur album de 2009, Lines, Vines and Trying Times, est durement écorché par la critique. Il est devenu évident qu’ils sautent dans les cerceaux par pure habitude, et qu’il leur est désormais difficile de chanter avec enthousiasme à propos d’une vie qui est, pour eux, pratiquement révolue.
C’est Nick qui initie la rupture, désireux d’essayer une carrière en solo, fatigué des tensions au sein de la famille, et n’ayant aucune envie de les laisser s’étirer jusqu’à l’éclatement, l’harmonie ayant toujours été une valeur importante pour les trois frères. Difficile de ne pas les comprendre; la célébrité exerce une certaine pression psychologique même sur les artistes les plus tenaces, et elle est d’autant plus difficile à gérer pour ceux qui l’ont connue dès leur plus jeune âge.
Le pacte du succès
La formation du groupe remonte à 2005, alors qu’aucun des membres du groupe n’est majeur. Originaires du New Jersey, les trois frères officient dans un registre qu’on pourrait qualifier de pop-punk, relatant leur quotidien scolaire avec une bonne humeur contagieuse et inoffensive. Une fois signés par Hollywood Records, une filiale de Disney, la grosse machine promotionnelle fait son œuvre, et ils deviennent l’un des boys band les plus populaires de la planète.
Pour les frères Jonas, qui ne se sont jamais pris au sérieux, c’est un véritable conte de fées. Ils apparaissent dans diverses émissions de télé, font même une inoubliable apparition dans Hannah Montana, et passent leur temps entre le studio et la scène, voyageant partout à travers le monde. Avec le recul, malgré ce que Joe affirmait en 2013 dans un essai très personnel écrit pour le New York Magazine, avec une candeur qu’il regrette un peu aujourd’hui, l’épuisement consécutif à la vie de tournée leur a fait perdre de vue leur privilège.
Les survenants
Dix ans après leur quatrième album, qui date de 2009, le paysage pop a beaucoup changé. Entre Cardi B, les murmures de Billie Eilish et la prédominance du mumble rap, les Jonas Brothers et leur innocence sont presque incongrus. C’est pendant le tournage d’un documentaire pour Amazon Prime, Chasing Happiness, que l’idée d’une réunion a été lancée par Nick. L’hésitation de ses frères fut de courte durée: en juin 2019 paraissait Happiness Begins, leur véritable cinquième album, qui peut facilement être vu comme une renaissance.
Le fait que leur chanson «Sucker», écrite en collaboration avec Ryan Tedder de OneRepublic – qui a d’ailleurs produit leur nouvel album – s’est immédiatement retrouvée au top du palmarès de Billboard laisse croire qu’il y a encore de la place pour leurs sympathiques frimousses à la radio et dans le cœur de leurs fans.
Même s’ils ont vieilli, et qu’ils proposent à leur public des thèmes plus matures, la magie opère toujours, et leurs fans ont vieilli avec eux, mais ne les ont pas oubliés. La pause créative a duré presque six ans, des enfants ont vu le jour, mais leurs liens demeurent toujours aussi solides que toujours. Ceux qui, sur «Cool», font rimer «Post Malone» avec «Game of Thrones» continuent de faire de la musique pour le plaisir de la propager autour d’eux et, surtout, d’être ensemble. Un bel exemple de fraternité.