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Crédit photo : J. Guzzo Desforges
C’était un programme double que présentait hier soir Tangente, ce laboratoire de mouvements contemporains au Studio Hydro-Québec du Monument-National. Une première partie qui mettait en scène David Albert-Toth dans un solo intitulé La Chute, alors que la deuxième pièce réunissait les danseurs Caroline Gravel, Jody Hegel, Milan Panet-Gigon et Lael Stellick dans In Mixed Company. Dans ce cas-ci, la proximité avec les spectateurs favorisait davantage la réception.
Pour La Chute, les spectateurs étaient invités à ne pas prendre un siège, mais plutôt à occuper l’espace de la mezzanine qui entoure la scène. Le spectateur devenait alors observateur. Le changement de terme peut sembler inutile, pourtant, il ne l’est pas. Pendant vingt minutes, le danseur n’a que la lumière et la musique aux sonorités industrielles comme décors. Le tout met l’accent sur cet homme qui perd son identité progressivement, à l’image des mouvements saccadés du danseur. Il ne se reconnaît plus et l’angoisse s’incarne progressivement.
Si l’aménagement scénique et la position du spectateur sont en adéquation parfaite avec la forme et le propos du solo, il n’en reste pas moins que la distance crée une déception au final. On aimerait bien ressentir le dépouillement identitaire du protagoniste inspiré par le personnage de Béranger dans Rhinocéros d’Eugène Ionesco. Les tourments et la tension intérieure qui s’expriment physiquement sur la scène ne parviennent pas jusqu’à l’observateur, qui souhaiterait sûrement vivre la métamorphose du personnage.
Tout change dans la deuxième partie. Les observateurs reprennent la posture du spectateur assis pour la pièce In Mixed Company. Toujours inspirés par Eugène Ionesco, mais aussi cette fois-ci par Milan Kundera, les quatre danseurs performent, dansent et actent. Ils explorent et présentent des thématiques intemporelles telles que le conformisme social et les relations personnelles. Les corps sont freinés parfois par les mouvements des autres, mais le désir de se rapprocher semble inéluctable. Les danseurs offrent une performance sensible, humaine et qui ne semble pas être chorégraphiée, c’est-à-dire qu’elle se déploie dans le temps et dans l’espace dans un naturel loin d’être codifié. De la fluidité et de l’authenticité. Et de la proximité.
Quelques moments actés semblent moins pertinents et étranges. On pense notamment aux paroles dites par la danseuse Caroline Gravel au sujet des enfants (ils ne savent rien faire entre autres) ainsi que la soudaine envie d’entonner «Rock Around the Clock» dans une intensité ascendante et démesurée par le quatuor. On comprend l’idée de l’absurdité, bien présente chez le dramaturge Eugène Ionesco, mais il faut apprécier les ruptures de tons et le genre.
Il faut souligner la touchante interprétation et performance du danseur Milan Panet-Gigon qui occupe l’espace scénique dans une liberté du corps admirable. Il se met complètement à nu en découpant les mouvements de manière poétique, démontrant ainsi une totale maîtrise de l’appareil corporel. Au final, la force du programme double de la compagnie Parts+Labour_Danse d’Emily Gualtieri et David Albert-Toth, présenté par Tangente, réside dans la capacité à faire vivre les mouvements et les ressentiments. En ce sens, In Mixed Company réussit mieux sur le plan de la proximité émotionnelle et physique que La Chute.
Le programme double La Chute & In Mixed Company (Parts+Labour_Danse) est présenté au Studio Hydro-Québec du Monument-National les 1er et 2 novembre à 19h30 ainsi que le dimanche 3 novembre à 16h. Plus de plus amples informations, veuillez consulter tangente.qc.ca.
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