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Crédit photo : Mathieu Pothier
À 20 h 05, les lumières de la salle se sont éteintes. Devant nous se sont installés les musiciens et les chanteurs de l’ensemble new-yorkais Wordless Music Orchestra and Choir, éclairés timidement par la lumière des lutrins. Doucement, la harpe, les violons et les violoncelles se sont animés sur un fond de contrebasse.
Cette entrée, toute en noblesse, a donné lieu à l’interprétation de l’intégralité du EP All Animals de Jónsi et Alex, paru en édition limitée lors de la sortie de l’album Riceboy Sleeps en 2009. Cette trame, qui se divise en trois chapitres, a conquis le public, respectueusement silencieux dans l’attente du programme principal.
Après l’entracte, les musiciens du Wordless Music Orchestra and Choir ont repris place auprès de leurs instruments, pendant que Jónsi et Alex Somers, munis de leur guitare, se sont glissés discrètement au milieu de la scène, sous les applaudissements de la foule. Les premières notes de l’album ont été jouées, résonnant solennellement sur les murs du Théâtre Maisonneuve, qui possède une qualité acoustique exceptionnelle.
Évidemment, les regards étaient posés sur Jónsi, jouant de la guitare électrique avec un archet. Cette façon unique de faire résonner son instrument lui a permis de se fondre dans l’orchestre, car la sonorité dégagée créait un lien harmonieux avec les violoncelles et autres instruments à cordes.
D’autre part, il s’est aussi démarqué pour la même raison, puisque le frottement de l’archet sur la guitare électrique produisait des sons qu’un instrument acoustique ne peut recréer. Tous se souviennent de ce son strident et juste qui émanait de sa guitare, nous rappelant assurément le bruit d’une carcasse métallique qui se tord dans tous les sens.
Outre les instruments, les voix des femmes et des hommes de la chorale s’harmonisaient parfaitement. En tout temps, je me suis sentie transportée par ces voix angéliques et célestes. Un moment particulier est resté gravé dans ma mémoire: celui où le chœur a entonné le chant irrésistible des sirènes, m’envoûtant instantanément!
Mentionnons également la voix incroyable de Jónsi qui en a fait réagir plus d’un au cours de cette soirée. Une vague d’émotions s’est répandue sur les spectateurs lorsque l’Islandais, micro en main, a projeté sa voix avec puissance, allant jouer dans un registre vocal spectaculaire pour nous laisser en beauté sur une note soutenue à la perfection, et ce, pendant une bonne minute. Nous avons tous ressenti le courant électrique du grand frisson traverser la foule, et plusieurs n’ont pu s’empêcher de verser une larme suite à cette performance incroyable.
L’univers musical de Jónsi & Alex Somers s’est trouvé, pour cette occasion spéciale, bonifié d’instruments inusités. Je pense aux tuyaux harmoniques tournoyant dans les airs, pour recréer l’effet des vents du large, et surtout aux morceaux de verres ensachés et secoués, qui reproduisaient le crissement d’une locomotive glissant sur les rails. J’ai été impressionnée par la gigantesque plaque de métal qui, tantôt frappée, tantôt tordue, faisait office de ciel orageux et de tempête déchaînée. Une ingéniosité à ne pas passer sous silence!
De plus, comme demandé par Jónsi & Alex en début de concert, la foule a été invitée à prendre part au spectacle, au signal du chef d’orchestre, en mangeant les bonbons qui éclatent en bouche et qui nous attendaient sur nos sièges. Alors qu’un musicien éclatait du papier bulles devant un micro, dans le but d’imiter le crépitement d’un feu de bois, le bruit des bonbons sur nos langues est venu amplifier cet effet sonore, au grand bonheur du public.
D’autre part, la scénographie était remarquable! Je pense notamment aux jeux de lumière simples mais savamment et minutieusement élaborés, qui créaient, selon le morceau joué, une ambiance particulière. Je pense, entre autres, à un effet d’éclairage à la chandelle et, plus tard, à la perception de flammes vives. À un autre moment, je pouvais imaginer des rayons de soleil se réfléchissant entre les feuilles des arbres, ou encore un ciel qui se dégage après la tempête. Utilisés avec subtilité, ces effets lumineux venaient également soutenir le rythme musical, s’éteignant et s’allumant en battant la mesure.
Les effets lumineux étaient amplifiés par l’utilisation de machines fumigènes, qui venaient jeter, sans excès, un brouillard plus ou moins dense sur la scène. Cet alliage d’effets scéniques donnait naissance à diverses impressions visuelles. Parfois, c’était un nuage vaporeux aux teintes blanches et bleues, qui, soufflé vers le haut, me donnait la sensation que je m’élevais vers le ciel. À un autre moment, c’était une fumée dense, grise et jaunâtre, qui me procurait le sentiment angoissant qu’un feu ravageait tout devant moi.
De petits détails qui, additionnés les uns aux autres, ont fini par créer un ensemble visuel simple, efficace et imaginatif. Cet assemblage est venu supporter les phrases musicales jouées sur scène en leur apportant une seconde profondeur. De plus, il a incontestablement participé à la compréhension du spectateur, en marquant l’enchaînement de chaque composition par une ambiance qui lui était propre.
Le concert s’est achevé sur une trame sonore de planches de bois qui se tordent et qui craquent au gré des vagues martelant le bateau. Un à un, les musiciens et les chanteurs sont sortis de scène, abandonnant le navire. Il ne restait plus que Jónsi et Alex, qui, en bons capitaines, se sont retirés de la scène au dernier moment.
Le public, ébloui et rêveur, est resté en contemplation devant le décor brumeux et fantomatique, où les lutrins, abandonnés dans l’ombre, semblaient être les derniers vestiges de cette fameuse épopée que nous venions de vivre.
L'avis
de la rédaction
Grille des chansons
1. All Animals - Chapter One
2. All Animals - Chapter Two
3. All Animals - Chapter Three
4. Happiness
5. Atlas Song
6. Indian Summer
7. Stokkseyri
8. Boy 1904
9. All the Big Trees
10. Daníell in the Sea
11. Howl
12. Sleeping Giant