«Hybrid Condition» de Tam Khoa Vu: une exposition pour s'ouvrir l'esprit – Bible urbaine

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«Hybrid Condition» de Tam Khoa Vu: une exposition pour s’ouvrir l’esprit

«Hybrid Condition» de Tam Khoa Vu: une exposition pour s’ouvrir l’esprit

Comprendre l’Autre une image à la fois

Publié le 19 février 2024 par Jessica Samario

Crédit photo : MAI - Montréal, arts interculturels @ Tous droits réservés

Du 29 février au 30 mars, le MAI – Montréal, arts interculturels présentera l’exposition «Hybrid Condition» de l’artiste vietnamo-canadien Tam Khoa Vu. Par le biais d’installations vidéo et sonores, ce dernier fait part au public des enjeux de représentations des identités vietnamiennes et du «troisième espace» dans lequel vivent les individus aux multiples origines. Une exposition qui vous plongera assurément dans de nombreuses réflexions!

Un pas de recul pour mieux s’accomplir et honorer ses convictions

Né à Québec, Tam Khoa Vu est l’enfant de réfugié·es de la guerre du Vietnam. Sa mère et sa tante ont immigré au Canada en 1988 et lui-même a déménagé près de Toronto vers ses dix ans. À l’âge adulte, il s’est remis en question et a tenté de s’inscrire à plusieurs programmes d’études qui ne l’allumaient pas tellement…

Hybrid condition

Hybrid condition

Tout s’est éclairé pour lui lorsqu’il a travaillé dans une imprimerie près de l’Université Concordia, où il imprimait des tonnes de portfolios de design qui l’inspiraient. Il s’est donc lancé dans un baccalauréat en design dans cette même université et s’est trouvé un emploi de gestionnaire de production au studio JJJound pendant un peu plus de deux ans.

C’est à ce moment que la pandémie de COVID-19 a frappé. Il s’est alors retrouvé face à une deuxième remise en question, à savoir ce qu’il voulait réellement accomplir, ce qui le touchait et quelles étaient ses aspirations. Il a repensé à ses souvenirs d’enfance, de quelle façon il a eu à s’adapter à son environnement et aux instants où il a été témoin de racisme.

«Un skateur de 12 ans commence-t-il vraiment à faire du skateboard parce qu’il aime ça ou bien parce qu’il veut qu’un groupe de personnes le couvre au cas où il serait intimidé ou attaqué? Il trouve un moyen de s’intégrer, je crois», s’est interrogé l’artiste en se remémorant le jeune adolescent qu’il était autrefois.

Tam a ensuite donné l’exemple du fait qu’il peut passer d’une langue à l’autre au fil d’une conversation, de l’anglais, au français ou au vietnamien. C’est une méthode d’adaptation qu’il a apprise à un jeune âge pour mieux s’intégrer à la société. Il trouve injuste que des enfants doivent penser à s’adapter aux autres afin d’être acceptés.

Ces souvenirs l’ont inspiré dans sa démarche artistique et l’ont motivé à se dépasser. C’est durant cette période hors du commun que l’artiste s’est concentré à temps plein sur un projet qui combine art et commerce de vêtements: son entreprise TKV Fine Arts & Financial Arts.

«C’était important, pour moi, que la marque soit mon nom, parce que je veux que les gens voient un nom asiatique et se demandent ce que fait ce dernier, qu’ils voient que c’est possible de réaliser ce qu’on veut», a ajouté Tam.

Hybrid condition

Tam Khoa Vu

De multiples perceptions permettant d’y voir plus clair

Présentement en résidence au centre d’artistes PRIM, Tam Khoa Vu travaille depuis deux ans sur l’exposition Hybrid Condition. Quelques représentations ont déjà eu lieu dans des festivals et des résidences, mais ce sera sa première en solo au MAI – Montréal, arts interculturels, située au 3680, rue Jeanne-Mance.

Ce projet repose sur le tiraillement qu’il ressent depuis longtemps, et il s’est d’ailleurs donné comme mission d’en partager le plus possible avec les autres, afin qu’ils comprennent sa réalité.

«Ce travail parle essentiellement de cette condition hybride, de cette idée d’être Vietnamien·ne, mais aussi Canadien·ne. Quand je suis au Canada, je suis à l’écart en raison de ma culture, mais quand je suis au Vietnam, ma pensée occidentale diffère de celle des autres. Je vis donc dans cet entre-monde; je ne suis pas tout à fait Canadien ni Vietnamien. À travers ce projet, j’ai tenté de montrer ce que ça fait d’être dans cette zone grise, ce troisième espace», a confié l’artiste.

Hybrid Condition sera présentée sous forme d’installation immersive avec des extraits vidéo projetés sur quatre écrans indépendants proposant chacun un point de vue. Sur la première, on verra sa propre représentation des individus asiatiques ainsi que celle des médias numériques. Sur la deuxième, cette même représentation sera abordée du point de vue des médias traditionnels. La troisième affichera sa vision personnelle du monde lorsqu’il se trouve au Vietnam. Puis, la dernière projettera des images de drones montrant une perspective du Vietnam qui n’est qu’illusoire.

Le temps de lecture diffèrera pour chaque écran et ils se remettront à jouer en boucle, ce qui fait en sorte que chaque visiteur·euse vivra une expérience totalement différente. Les amalgames d’images et de sons varieront à tout moment!

«C’est comme l’imprévisibilité de la condition hybride. Parfois, les images s’aligneront et ressembleront à ce que j’avais l’intention de montrer, et parfois les images et l’audio ne concorderont pas, et c’est exactement ce qu’est la vie. Parfois, c’est beau, parfois c’est juste le chaos», a-t-il commenté.

Une musique originale se fera aussi entendre dans la salle en deçà des écrans. Tam a choisi de transmettre son message par le biais de vidéo puisque, selon lui, il est assurément difficile de mettre des mots sur des émotions aussi fortes.

Hybrid condition

Tam Khoa Vu

L’exposition à la publicité devenant exponentielle

C’est le quotidien qui a inspiré Tam Khoa Vu pour la majorité des images sélectionnées pour Hybrid Condition. Il avoue être fasciné par l’impact des médias et de la publicité ciblée sur la société. C’est avec curiosité qu’il s’est amusé à poser la question suivante: «Combien de temps ça prend avant que tu prennes ton cellulaire et que tu consultes les réseaux sociaux en te levant le matin?»

Pour la majorité des gens, la réponse demeure un très court laps de temps.

Il s’est donc attardé sur les algorithmes et la vision polarisée des individus sur le monde. C’est pourquoi il a enregistré les publications qui lui étaient proposées sur ses réseaux sociaux pendant près de deux ans. Un cumul de vidéo publicitaire, informationnelle ou ludique montant à plus de 2 000 clips intégrés à l’œuvre Hybrid Condition!

Le public se retrouvera donc autant face à des événements tragiques qu’à des moments banals de la vie de tous les jours.

Des images chocs ayant le potentiel de remettre des croyances fondamentales en question

Prêt pour le grand jour, Tam révèle ce qu’il souhaite que les gens retiennent de leur visite.

«Le visiteur·euse va revenir avec le message qu’il veut et les textes aideront à situer mon intention, c’est-à-dire, qu’ils·elles ressentent 10% de ce que je vis. Je pense qu’il y aura des moments qui seront plus difficiles pour les gens, car certains questionnements pourraient les rendre mal à l’aise. Je pense qu’une question qui, je l’espère, se posera et qui devra être affrontée est ‘’suis-je raciste?’’», a déclaré l’artiste, avec l’espoir de bousculer les préjugés.

Tam Khoa Vu

Il reconnaît que chaque visiteur·euse aura sa propre lecture du projet et que le niveau de compréhension sera hautement variable, en plus de l’aspect aléatoire de la projection. Cette immense flexibilité rend l’expérience encore plus captivante et intrigante!

«Je sais que les gens qui visiteront cette exposition ont chacun des expériences diverses et qu’ils viennent de différents milieux. Peut-être que certaines personnes vont aller plus loin que d’autres dans leur réflexion. Je veux juste voir si je peux transmettre un peu de moi-même ou un peu de ce sentiment à quelqu’un d’autre», a-t-il conclu.

Alors, c’est à votre tour d’entrer dans cet entre-monde et de tenter de voir la société sous un autre jour. Qui sait, peut-être aurez-vous une grande révélation sur vos perceptions?

Le vernissage de l’exposition Hybrid Condition aura lieu le 29 février à 17 h et des visites guidées par l’artiste seront proposées le 9 mars à 14 h en anglais et à 16 h en français. Puis, Marguerite Chiarello, médiatrice culturelle des expositions du MAI, offrira des visites commentées les 16, 23 et 30 mars à 15 h en français. Vous pourrez également assister à l’exposition en entrée libre du mardi au samedi de 12 h à 18 h. Pour en savoir davantage sur l’artiste ou sur l’exposition, suivez le compte Instagram de Tam Khoa Vu. Bonne visite!

*Cet article a été produit en collaboration avec MAI – Montréal, arts interculturels.

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