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Crédit photo : Mathieu Pothier
C’est en 2014 que Kai Uwe Faust, Christopher Juul (Songleikr, Euzen) et Maria Franz (aussi de Songleikr et d’Euzen) ont créé Heilung. Depuis, les trois musiciens, provenant respectivement de l’Allemagne, du Danemark et de la Norvège, s’accordent dans les traditions en réunissant sur scène des symboles mythologiques propres à la culture nordique.
Essentiellement, tous s’entendent sur ce fait: Heilung doit être vu, Heilung doit être entendu, Heilung doit être vécu.
Un seul bémol selon les cris de mécontentement de plusieurs spectateurs: les fouilles vraiment intenses que tous et toutes ont subies à l’entrée de L’Olympia. Cette procédure a ralenti l’admission des gens, au point où un responsable a finalement décidé de repousser d’une trentaine de minutes le début du spectacle, prévu tout d’abord à 20 h. Selon certains spectateurs, cela semble malheureusement être une tradition de la salle de spectacle…
Malgré ce désarroi, à 20 h 30, la lumière s’est éteinte. Un chaman s’est avancé, un encensoir à la main. Il a purifié la foule d’amples mouvements, s’est retourné et a purifié la scène. C’est alors que sont entrés les artistes, subissant solennellement le même sort, encerclant le chaman qui, aidé de la foule, a entonné des incantations.
Heilung doit être vu
Gris de fer, rouge sang, jaune d’or, blanc pur, noir profond… Le ciel est chargé de volutes brumeuses colorées s’épaississant sans cesse. On se croirait en pleine nature, à la croisée des courants d’air chauds et froids qui encouragent l’eau à retomber là d’où elle vient. Un tambour, teinté de couleur rouge, occupe la place du soleil dans cette mise en scène théâtrale.
Au loin, des silhouettes se découpent. Des bois de cerfs, des os humains, des hommes et des femmes au maquillage parfait, des costumes en peau et en fourrure… Je me représente tout à coup très bien ce à quoi pouvait ressembler la vie à l’âge de fer.
En d’autres mots, la mise en scène démontrait un souci pour une esthétique réfléchie. J’ai entre autres noté que les micros, par exemple, étaient tous dissimulés par des éléments naturels, tels que des panaches ou des branches d’arbres.
Tantôt, l’éclairage jaune avait l’aspect des rayons du soleil réchauffant l’air et, à un autre moment, l’éclairage en contre-plongée donnait l’impression que les artistes étaient dans une caverne et que seule une flamme les éclairait. Aussi, alors que le chaman était toujours une ombre noire sur un fond brumeux d’un blanc laiteux, Maria Franz, quant à elle, toujours en blanc, était très lumineuse.
Une autre bonne raison d’assister à un spectacle d’Heilung, ce sont les costumes élaborés et recherchés, tirés tout droit de l’âge viking. Je pense notamment aux guerriers, qui reviennent dans plusieurs des titres joués. Ils sont soit très animés ou statiques, et utilisent leur bouclier et leur épée pour battre le rythme.
Heilung doit être entendu
Des instruments contemporains aux Vikings, tels que la corne de brume ou les tambours de peaux tendues, mélangent leur sonorité vrombissante aux tintements de cloches rituelles hindoues. Ajoutons à cela un ravanhatta (vièle rustique indienne qui serait l’ancêtre du violon) ainsi qu’un bâton de pluie, et on obtient un savoureux amalgame sonore créant une musique ancestrale envoûtante.
En plus des instruments plus traditionnels, Heilung utilise aussi des boucles musicales (loops) faites d’enregistrements géophoniques. En d’autres termes, les bruits de la nature, tels que le crépitement du feu ou celui de la pluie torrentielle, sont utilisés en guise d’instruments.
L’âge du fer ne saurait être aussi bien représenté que par l’ajout de sons d’armes primitives comme les épées frappées ou, encore, le son des boucliers qui s’entrechoquent.
Évidemment, l’instrument musical le plus ancien que possède l’homme n’est nul autre que sa voix. Franz, Faust et Juul harmonisent leur voix avec justesse et précision, malgré l’aspect rustre de l’époque. La beauté de la voix cristalline de Franz, mise en évidence par les chants gutturaux et graves de ses comparses, crée un contraste frappant et tellement agréable à entendre.
Selon moi, la chanson qui a donné le véritable ton à la soirée est sans hésiter «Krigsgaldr» (Ofnir, 2015). Les arrangements vocaux sublimes des trois chanteurs, les tambours martelés à en faire résonner les murs de L’Olympia, les bruits d’une épée frappée sous nos yeux, et les lances des guerriers qui battent la mesure au sol se sont parfaitement alliés pour créer une transe commune dans toute la salle.
Heilung doit être vécu
Heilung se vit, mais se décrit difficilement. C’est pourquoi je vous suggère un petit exercice pour bien vivre l’expérience Heilung. Enfilez vos écouteurs et allez découvrir «Traust», parue sur Futha (il s’agit de l’un de mes titres favoris de cet album).
Imaginez, au même moment, ce que nous avions sous les yeux lors de cet épisode précis du concert… Une femme nue s’avance vers vous et se fait attacher à une lance par le chaman. Il la sacrifie ensuite sous vos yeux et sous les yeux des guerriers stagnants, en attente d’un souffle nouveau. Puis, en grande finale, une frénésie des corps dansants si intense qu’on ne sait plus où poser notre regard.
Le terme Heilung signifie «guérison» en allemand. Cette guérison, je crois que nous l’avons tous ressentie lors de ce concert. Une guérison spirituelle et physique engendrée par le retour à une époque primitive où le superflu n’a pas sa place et où la nature reprend ses droits.
L'avis
de la rédaction
Grille des chansons
1. Opening Ceremony
2. In Maidjan
3. Alfadhirhaiti
4. Krigsgaldr
5. Hakkerskaldyr
6. Norupo
7. Othan
8. Traust
9. Galgaldr
10. Elddansurin
11. Hamrer Hippyer