Sorties
Crédit photo : Geneviève Jetté
Je suis allée au concert de Tyler, the Creator. Un rappeur californien aux tendances immatures, dont ses déclarations vulgaires l’ont classé en marge des autres auteurs-compositeurs-interprètes du même genre musical. Pour moi, il représente le rap du futur. Je vous dirais qu’au moment de rentrer dans la salle de concert, je n’étais plus certaine de vouloir participer toute seule à la jungle-futuriste-au-style-hipster-anciennement-skater avec mes sandales dorées et mon one-piece H&M. Pourtant, ce n’était même pas les animaux du parterre qui m’effrayaient.
J’ai acheté mon billet sur un coup de tête. Mon «YOLO en mode SOLO» a pris le dessus. Qu’est-ce que je faisais ici toute seule? Ce n’était pas le «ici» qui me dérangeait, mais bien le «toute seule». Pourquoi avons-nous si peur de la solitude dans une foule?
Il y a la question de la sécurité.
Si je me cassais le funny bone pendant une performance enflammée dans un mosh pit (déf: danse violente contrôlée), j’apprécierais pleurer de douleur dans les bras d’un(e) ami(e). Il y a aussi une question de gêne. Quand ta chanson préférée casse les haut-parleurs, c’est comme lorsqu’elle joue dans un bar. Tu cries que c’est ta toune et tu te la joues Céline à Vegas. Par contre, j’étais seule à échauffer mes cordes vocales au concert.
Je me demandais si j’allais supporter ma solitude adéquatement. Que je n’allais pas trouver le concert ennuyant, que j’allais aimer me déchaîner tout en restant low profile le plus possible. Je dois dire que l’attente avant la première partie était plutôt pénible. Je voulais garder mes batteries de cellulaire pour prendre des photos et vidéos de Monsieur the Creator. Je ne pouvais pas avoir les yeux rivés sur ma technologie pendant tout ce temps.
J’ai pratiqué une activité qu’on ne fait plus: j’ai regardé les gens.
J’observais le monde qui parlait. Le monde qui n’était pas ajeun. Le monde qui s’apprêtait à ne plus être à jeun. Parce que selon eux, ce n’est pas amusant d’assister à un concert sans sa gang et encore moins sans avoir ingurgité des substances illicites a priori. Je n’étais pas accompagnée et je n’avais même pas une bière-trop-chère entre les mains. Dios Mios, comment allais-je survivre jusqu’à la fin du concert?
The Simple Life
Le concert a enfin commencé. Tous les scénarios de «moi trop mal à l’aise en solitaire» que je m’étais construit dans ma tête étaient complètement erronés. Je m’imaginais regretter mon achat et retourner frustrée d’avoir gaspillé une somme qui aurait pu être investie ailleurs. Mes impressions fictives étaient entièrement fausses.
Je n’ai jamais autant apprécié un concert.
Je me suis retrouvée à crier comme une dévergondée et à me fondre dans le moule esthétique de la foule (chose que je ne croyais pas faisable avec mon une pièce trop swell). Je faisais partie de la gang peu importe mon habillement, peu importe mon taux d’alcool ou de drogue dans le sang.
Tyler s’est effectué, fidèle à sa vulgarité. Les barrières de la gêne sont tombées et mes doigts honoraient bien les paroles explicites du rappeur. J’ai poussé des jocks dans le mosh pit (j’ne fais pas les choses à moitié quand «j’vire sur l’top») et je me suis époumonée à sa dernière chanson, qui était aussi ma préférée. J’ai dépensé de l’énergie pour quinze même si je n’étais pas entourée de quatorze autres individus.
J’ai vécu le moment de manière simple. Tellement simple, que je n’étais pas accoutrée en conséquence et n’avais encore moins de substances toxiques pour venir «enjoliver» mon moment présent. Je ne suis pas Paris ni Nicole et encore moins fo-folle. J’ai seulement constaté qu’il est possible d’avoir du plaisir seul(e) dans une foule (ou dans une jungle).
Et je ne pense pas être seule à le penser.