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Crédit photo : Emmanuel Gagné
Une vocation créative qui a cheminé
Sans hésiter, Cédric Delorme-Bouchard m’a confié qu’il a toujours voulu faire de la création pour la scène. Tout en s’intéressant à différentes formes d’arts – dont la danse et le théâtre –, il s’est lancé dans un baccalauréat en scénographie à l’UQAM. Cela lui a ouvert de belles perspectives dans sa façon d’appréhender l’espace et a développé chez lui un intérêt marqué pour ce qui est d’ordre visuel. Comme il le dit lui-même, il aurait très bien pu être directeur artistique ou directeur photo, faire de l’architecture, ou même du théâtre!
Quoi qu’il en soit, son cheminement créatif en scénographie l’a amené à un constat: au bout du compte, peu importe le projet, il travaille toujours en profondeur la lumière. «Comme scénographe, les espaces que je dessine sont pensés à partir de la lumière et, comme metteur en scène, la lumière est le moteur de base de ma pratique. C’est un médium fascinant et magique car elle se transforme, elle apparaît puis disparait, elle change d’aspect en cours de représentation. C’est un outil avec lequel on peut créer beaucoup d’univers et d’espaces en transformation», m’a-t-il expliqué.
L’an passé, son spectacle Lamelles, présenté à l’Usine C, a confirmé l’affinité créative qui existe entre la lumière et lui. En effet, c’est lors de son entrée en répétitions avec ses sept comédiens et danseurs que Cédric Delorme-Bouchard a mis au point son dispositif: «Je voulais trouver une variété d’approches du corps et du mouvement dans l’espace, parce que je savais qu’il n’y allait pas y avoir de texte. J’ai commencé à travailler avec les artistes à l’intérieur de mon objet de lumière, et j’en suis venu à le concevoir de toutes pièces grâce à ce qu’on avait exploré, improvisé, expérimenté à l’intérieur».
L’architecture immatérielle comme moteur créatif
Cédric Delorme-Bouchard m’a aussi confié que, selon les projets, ses sources d’inspiration pouvaient être très variées. Dans le cas de Lamelles et du dispositif de lumière, sa créativité a clairement été imprégnée de l’univers de l’architecture. «Ce sont surtout des écrits théoriques qui m’ont stimulé; pas forcément des constructions, mais des textes où les architectes parlent de leur rapport à l’espace et du rapport qu’on a tous ensemble avec les espaces de la vie quotidienne. Par exemple, je me suis nourri du travail d’architectes, comme Juhani Pallasmaa, qui parle beaucoup du rapport de nos sens à l’architecture et comment on expérimente les espaces en fonction du toucher, de la vue, de l’odorat ou de l’ouïe».
Il m’a aussi parlé de sources d’inspirations telles que l’architecte japonais Tadao Ando, ou le livre Espèces d’espaces de Georges Perec. Au final, comme il l’admet lui-même, il s’agit davantage d’un bagage théorique – mais très conceptuel – qui constitue son moteur créatif. «Ça donne un espace mental pour que je reformule ça dans mon propre langage».
Son dispositif lumineux offert en carte blanche
Lors du programme triple présenté avec Tangente à l’Édifice Wilder dès le 21 février prochain, le mur de lumière créé par Cédric Delorme-Bouchard pour Lamelles sera réutilisé sur scène. C’est donc dans un espace occupé par ce dispositif de quarante pieds de large par neuf pouces d’épaisseur que les danseurs vont évoluer.
«Je voulais choisir des chorégraphes et leur offrir une carte blanche pour une rencontre entre cette scénographie de lumière et leur imaginaire de création». Et sans avoir encore eu l’occasion de découvrir ce que chacun des chorégraphes a préparé, Cédric Delorme-Bouchard sait que tous vont aller dans des directions complètement différentes avec son dispositif lumineux.
Selon lui, Castel Blast va beaucoup travailler avec la matière, qu’elle soit animée ou non. En fait, le collectif va aussi bien jouer avec le corps en mouvement, qu’avec les types de tissus interagissant avec la lumière et la danseuse sur scène. Annie Gagnon, elle, va offrir un solo d’une grande pureté, chorégraphié et interprété par ses soins. Enfin, Camille Lacelle-Wilsey va faire intervenir plusieurs performeurs sur scène, y compris des artistes musicaux (chant, guitare, voix, batterie…) pour assurer un festival de couleurs et de musiques.
Avant de me quitter, Cédric Delorme-Bouchard a tenu à préciser qu’il n’interférerait pas dans le processus artistique de chacune des créations. Il sera en contact avec le travail des chorégraphes uniquement lors des deux semaines de résidence, dans le but de les accompagner. «Je serai là pour dialoguer comme conseiller et pour les outiller en répondant à leurs questions en lien avec la lumière, c’est tout», a-t-il conclu, le sourire aux lèvres.