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Crédit photo : Julien Espio
Sobriété réinventée
Alors que les spectateurs (d’ailleurs très diversifiés, en âge comme en style) avaient tous gagné leur siège, le concert a débuté avec l’arrivée du pianiste, dans la simplicité la plus totale. Dans un silence complet, éclairé faiblement, il s’est installé solennellement derrière le piano à queue pour interpréter la première d’une série de magnifiques pièces qui allaient former une soirée magique.
Le concert nous a permis de voyager entre douceur et puissance, les doigts du compositeur et pianiste flirtant habilement entre musique classique et électronique. Une des mains de Blais quittait parfois les touches du piano pour ajouter quelques notes de clavier-synthétiseur pour ainsi créer des sonorités uniques en leur genre, la signature auditive de Jean-Michel Blais.
Si la plupart des touches de musique électro intégrées à son œuvre sont plutôt subtiles et aériennes, les trois invités, qui ont tour à tour rejoint Blais sur scène, ont su amener avec eux une dose de musique électronique très marquée, en nous offrant leur version remixée de quelques morceaux du pianiste.
Ainsi, CFCF fut le premier à se présenter derrière la console de DJ pour offrir un remix de la pièce «Roses». Puis, c’est Foxtrott qui a offert sa version du morceau «Dans ma main», avant de laisser la place à CRi, qui est venu ajouter des allures house à «Blind». Trois impressionnantes collaborations qui ont su chacune amener une bonne dose d’intensité et une nouvelle dimension à l’œuvre du pianiste, sans toutefois dénaturer celle-ci.
«J’aime passer à de quoi d’intense à super smooth», a candidement lancé l’artiste néo-classique qui, tout au long de la soirée, nous a offert un va-et-vient entre douceur, intimité et puissance des rythmes électro dignes d’un rave berlinois.
L’art de rendre sa musique accessible
C’était la première fois que j’assistais à un concert de musique instrumentale et je n’étais assurément pas la seule. Il faut se l’avouer, il s’agit d’une expérience vraiment différente d’un spectacle, disons, plus «traditionnel».
Jean-Michel Blais en était tout à fait conscient et il s’est donc permis, avec humour, de lancer un conseil à ceux qui, comme moi, tentaient l’expérience pour la première fois: «Soyez vous-même, soyez relax. Il y en a qui toussaient (pendant le dernier morceau) et je sentais votre désir de suivre le tempo. Merci!»
Celui qui était éducateur spécialisé il n’y a pas si longtemps que cela n’a visiblement rien à faire du décorum habituel. Toute la soirée, il s’est adressé à son public ainsi, à la bonne franquette, avec un naturel et une pointe d’humour attachante, défaisant ainsi les préjugés de la bourgeoisie snobinarde qu’on peut parfois associer aux musiciens de classique et à leur public.
À vrai dire, ses anecdotes, son attitude décontractée et son franc-parler ont eu comme effet de rapidement nous mettre à l’aise, de nous décoincer et de nous permettre d’apprécier pleinement la beauté de la musique qui nous était offerte, musique qui nous submerge d’émotions et qui nous plonge dans un état d’intense apaisement, autant qu’une séance de méditation saurait le faire.
Des moments inattendus
En plus de son interprétation de son album Dans ma main et des remix de ses trois invités, Jean-Michel Blais nous a fait cadeau d’un mash-up de la trame sonore de Matthias et Maxime, film de Xavier Dolan, pour lequel le pianiste a gagné un disque d’or d’honneur lors de la plus récente édition du Festival de Cannes. Un moment doux et magnifique où ses mains nous captivaient à elles seules.
Après près d’une heure et demie de spectacle, l’artiste nous a lancé «OK, là, c’est votre rappel», à l’image du ton humoristique et sans prétention qu’il avait préalablement installé au courant de la soirée. On a donc pu entendre «Chanson», le seul morceau sur lequel le pianiste fait entendre sa voix. La soirée s’est terminée sur cette belle surprise où le public a pu se laisser bercer au son de la voix planante, sensible et fragile qui se cache en lui.
Humour, émotion, audace musicale, créativité et fascinante virtuosité n’ont pu faire autrement que de nous faire passer un magnifique moment en compagnie de ce grand artiste d’ici.
En début de spectacle, Jean-Michel Blais nous a remerciés de croire en la musique instrumentale. Moi, j’ai envie de le remercier de me la faire aimer autant.
Jean-Michel Blais au Théâtre Maisonneuve en images
Par Julien Espio
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de la rédaction