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Martin, quand as-tu commencé à t’intéresser à la mode et au stylisme pour hommes plus particulièrement, et dans quel contexte as-tu décidé de lancer ta marque L’Habilleur?
«Pour ce qui est de la mode en général, mon passage au Collège LaSalle a grandement ouvert mes horizons. Le goût du stylisme a commencé à cette période, mais je n’en étais pas encore conscient. C’est seulement une fois arrivé dans l’industrie que ma patronne de l’époque (acheteuse pour RW&Co) m’a fait comprendre que ma place n’était pas aux achats, mais plus en stylisme. En effet, j’avais les yeux qui pétillaient quand je voyais les nouvelles collections, alors que je m’ennuyais devant mon ordinateur, 40 heures par semaine.»
«Dès le début de mes cours, je croyais que devenir acheteur était parfait pour moi. J’avais du goût et je savais reconnaître ce que les gens allaient aimer. L’affaire, c’est que ce travail comporte beaucoup plus de gestion que je croyais. L’école nous vendait le rêve des voyages à travers le monde, mais ce dont elle ne parlait pas, c’est toute la paperasse et la comptabilité en arrière-plan. Je suis un gars de terrain et j’aime rencontrer des gens. Ça ne cadrait donc pas du tout avec moi.»
«J’ai eu l’idée de mon service lorsque j’étais à l’école de mode et que je travaillais dans les boutiques depuis quelques années déjà. J’avais remarqué qu’il y avait un manque au niveau du service personnalisé et qu’une seule boutique ne pouvait suffire à combler les besoins des gens. J’adorais rencontrer des personnes et essayer de les comprendre pour mieux les conseiller.
«C’est après huit ans comme styliste freelance touche-à-tout (mode, pub, magazine, artistes, etc.) et habilleur télé à TVA que j’ai lancé mon service d’habillement L’Habilleur, dont je rêvais tant. J’attendais d’avoir l’expérience, l’expertise et les contacts nécessaires.»
Peux-tu nous résumer la mission et les valeurs de ton entreprise?
«J’offre un service clé en main à domicile pour celles et ceux qui préfèrent s’attarder à d’autres occupations que celle d’aller chercher dans les boutiques un jeudi soir après le travail, ou bien de prendre une journée de week-end dans des magasins remplis de gens stressés qui essaient de trouver la perle rare du vêtement. Avec moi, le seul stress que l’on peut avoir, c’est de savoir quelle pièce soustraire à l’ensemble pour respecter le budget initial!»
«Je suis énormément à l’écoute du client; j’essaie de le comprendre, de percevoir ses besoins basés sur son style de vie, son métier, ses goûts, ses aspirations, sa silhouette et son âge. Je désire seulement refléter l’intérieur des gens tout en apportant une variété. Bref, les mettre à leur juste valeur.»
«C’est pourquoi je sélectionne des coups de cœur dans quatre ou cinq boutiques triées sur le volet pour mon client. Je crée alors des looks en bâtissant une garde-robe utilitaire et versatile. Je minimise ses dépenses, je conseille et fais également ressortir ses atouts. Sans parler des coupes, tissus et proportions. Bref, je m’assure de respecter les bases du stylisme. En plus, on s’amuse!»
Parle-nous de la façon dont tu crées un look: où trouves-tu tes inspirations et comment passes-tu de tes premières esquisses à la finalisation?
«Après avoir bien compris la personne, ses besoins, son style, l’image globale et la direction que l’on prendra, je me laisse guider par mon instinct et mes feelings.»
«Je ne m’installe jamais dans une idée trop précise, sinon je ne trouverai rien et je risque de passer à côté de plein d’opportunités. Je me laisse porter par ce que je vois, et c’est à ce moment précis que la magie opère.»
Comment choisis-tu les produits que tu proposes: as-tu des critères de sélection en particulier, et si oui, lesquels?
«C’est un mélange d’improvisation et de calculs. Je compose avec ce qui existe en boutiques. Pour ce faire, il faut se faire un itinéraire de shopping bien précis. C’est pourquoi il est nécessaire de connaître toutes les boutiques qui me branchent, les marques sélectionnées, les styles de coupes et leurs gammes de prix, pour un shopping efficace.»
«Mon rôle est aussi de rentabiliser le portefeuille du client et de donner le plus d’alternatives possibles. C’est facile de trouver du beau, mais à quel prix? Car à la base, tout est dans la coupe et pas nécessairement dans le prix. Il faut parfois faire des choix dans ses priorités. La qualité est très agréable à porter, mais dans un même rôle, une pièce de «moyenne gamme», avec une coupe adéquate, peut très bien faire l’affaire.»
Quels sont les principaux enjeux et défis pour un entrepreneur comme toi, spécialement dans le milieu de la mode et de la beauté au Québec?
«Il y en a plusieurs! Il faut s’assurer d’être dans le domaine pour les bonnes raisons, car comme dans tout domaine artistique, c’est avec du travail acharné, de la discipline et de bonnes relations que tu réussis. On est des businessmen & women en plus de faire une job artistique. Ça dit tout!»
«Il faut aussi être prêt à faire des concessions et à vivre dans l’inconnu et dans l’incertitude financière, tout en réussissant à se bâtir un bon crédit, car oui, tu vas avoir besoin d’acheter énormément et même de travailler sur plusieurs contrats en même temps!»
«Avec le temps et l’expérience, la qualité d’environnement et de clients évolue et tu as moins à gérer ce genre de détails, mais à mes débuts, les choses étaient plus complexes. On profitait de ma bonne volonté. Ça se sent quand tu es junior. Je devais débourser de mes poches pour tous les vêtements que j’achetais pour des productions, ce qui n’avait pas d’allure. Aujourd’hui, c’est le client qui débourse, et ça, c’est non négociable.»
«Le métier de styliste freelance est aussi ingrat. Rien n’est garanti et c’est souvent éphémère. Tout va bien pendant six mois ou un an et, boum, tu perds ton plus gros client et puis l’artiste avec qui tu travailles décide de prendre une pause ou bien de travailler avec un autre styliste. Bref, rien n’est jamais acquis. Il faut toujours s’arranger pour être en mode recherche de job.»
«Finalement, je me relis et je me dis que je suis peut-être un peu masochiste avec toutes ces aventures! Ça a l’air un peu pessimiste écrit comme ça, mais je crois encore aujourd’hui que j’ai la meilleure job au monde.»
Est-ce que tu as de nouveaux projets qui s’ajoutent à tes nombreux services en tant que styliste à venir prochainement ?
«Je dirais qu’avec le contexte de la COVID, le téléphone s’est peu fait entendre pour ce qui est de la pub, et encore moins pour les jobs avec les artistes. Il y a même le magazine HOMME, avec qui je collaborais comme directeur artistique et styliste depuis 10 ans, qui a fermé ses portes.»
«Comme tout le monde, je m’adapte du mieux que je peux. Mon service de stylisme personnel L’Habilleur prend toute son importance avec cette pandémie. Aujourd’hui, je suis bien heureux d’avoir ajouté mon service destiné aux femmes qui marche très bien jusqu’à présent. J’adore la dynamique avec la gent féminine. Mon site web ne le précise pas encore, mais ça fait partie de mes objectifs pour le printemps prochain.»
«Pour la suite, je demeure en action et j’avance à ma vitesse. Les entre-saisons seront plus marquantes cette année. Une chose est certaine, ma passion est trop forte pour que madame la COVID vienne me la piquer!»
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Les réalisations de l'Habilleur en photos
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