«Hors je» de Dominique Porte à l'Agora de la danse – Bible urbaine

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«Hors je» de Dominique Porte à l’Agora de la danse

«Hors je» de Dominique Porte à l’Agora de la danse

Un silence peut-être un peu trop parlant?

Publié le 9 octobre 2014 par Marie-Hélène Proulx

Crédit photo : Ben Philippi

Maintenir son stylo sur sa page, hésiter à plonger, multiplier les introductions qui nous rappellent comment il est difficile de s'ouvrir à la belle danse de la vie, craindre de devoir reconnaître, noir sur blanc, que l'on parle davantage de soi que ce qui s'offre: c’est l'impression difficile à chasser au moment de rapporter ce qui se déroule à l'Agora de la danse, les 8-9 et 10 octobre. On en sort pourtant avec la certitude que c'est exactement ce que Dominique Porte parvient à exprimer à propos d'elle-même dans Hors je.

Sur cette grande scène blanche, Dominique Porte est comme ce stylo en suspens: elle entre en matière en ébauchant, avec une justesse et un plaisir évidents, les mouvements qui ont marqué sa carrière de chorégraphe, qui s’est étalée sur plus de vingt ans, après de brillants débuts comme interprète. Chaque geste nous donne envie d’adhérer à cette part de discours par lequel elle aime à se présenter: «Le mouvement est une pensée muette. C’est pourquoi le mouvement est une impulsion, un déclenchement physique qui dépasse la pensée et pense par elle-même.» Mais comment y croire totalement lorsque toutes ces impulsions sont si vite arrêtées pour laisser place à des paroles?

Plutôt que de se laisser porter par le charme de la gestuelle qui a fait ce qu’elle est et est devenu son langage, Dominique Porte préfère se montrer fidèle au principe de la constance créatrice, en partant à la pêche d’inspiration chez d’autres interprètes. Trop rigoureux, les principes? Il serait franchement exagéré de parler de lourdeur devant l’étonnement que sa manière d’occuper la scène continue de susciter, mais surtout devant l’humour à la fois fin et léger qui se dégage de l’ensemble.

Hors_Je_Soulier

Quant au projet d’aller puiser des sources nouvelles dans les libres interprétations des autres, la formule demeure louable. Mais les protagonistes auxquels Dominique Porte accorde le plus d’attention sont ceux dont le mouvement manifeste aussi le doute et l’acharnement de la quête davantage que la joie du geste retrouvé. Ainsi, de la phrase chorégraphique à la rencontre de l’autre dans la danse, le fil dramatique suit sa logique propre, jusqu’à nous faire presque oublier la musique de Bach, de Schubert et de quelques musiciens contemporains qui se profilent en trame de fond.

La question toutefois demeure: le fait de savoir décrire si bien comment l’émotion passe dans le corps des autres peut-il suffire pour s’en approprier l’imaginaire créatif? Cette démarche n’en est probablement qu’aux premiers pas de cette intégration, plus qu’à son plein accomplissement.

Mais l’idée est bien lancée. Si bien qu’à la fin de cet exposé, les discours se poursuivent dans les allées entre passionnés et aguerris de la danse, tous conquis par la prestation. Visiblement Porte a touché un point, mais ce point, elle l’a touché, cette fois, un peu moins avec ses gestes qu’avec la fine pointe de sa plume.

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