Destroyer en solo au Il Motore – Bible urbaine

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Destroyer en solo au Il Motore

Destroyer en solo au Il Motore

L’essentiel dans la voix magnétique et les subtilités de la guitare acoustique

Publié le 8 février 2014 par Emmy Côté

Crédit photo : Marie-Claire Denis

C’est hier soir que Destroyer livrait son concert solo au Il Motore, ce rendez-vous qu’il avait dû reporter en novembre dernier. Mais, on aura eu tôt fait de pardonner l’attente de quelques mois à Dan Bejar. Sa prestation intimiste réchauffait les cœurs de février qui avaient bravé le froid glacial jusqu’à la petite salle rouge de l'avenue Jean-Talon. L’artiste de Vancouver s’est montré généreux en interprétant 18 chansons tirées de son large répertoire. Destroyer a finalement rayonné devant un public montréalais visiblement contenté.

Vers 22h25 hier soir, Camp avait quitté la scène depuis 45 bonnes minutes déjà et la foule compacte du Il Motore n’attendait plus que de voir Destroyer gravir à son tour les quelques marches de l’estrade. Alors que la foule se distrayait toujours, on parlait fort et échangeait les billets bleus contre une bonne broue, Dan Bejar a finalement saisi l’opportunité pour s’emparer du micro. Il arborait son look habituel, les cheveux foncés et touffus, la barbe frisottante et une chemise souple de couleur neutre.

Si l’allure de Destroyer est sobre à tous points de vue, il porte en revanche un nom de scène qui lui sied étrangement. Dan Bejar n’est pas un artiste de métal. Ses compositions sont à la fois délicates et intenses, en tout les cas soignées, jamais terriblement violentes. Certes, les structures sonores de Bejar peuvent, de temps à autre, entrer en éruption soudainement, comme un volcan, mais elles n’ont pas l’effet dilapidant que l’on attribue à une musique outrageuse. À vrai dire, ses soubresauts possèdent beaucoup d’âme, une espèce de qualité rédemptrice. Destroyer est capable d’aller chercher et de faire ressortir ces émotions enfouies à l’intérieur de nous en usant plutôt de subtilités et de ponctuelles incohérences pour nous toucher. En quelques mots, sa musique renforce plus qu’elle ne détruit.

Ainsi, l’artiste de Vancouver avait judicieusement choisi son ouverture en interprétant hier soir «My Favourite Year», mélancolique et intense, comme l’album sur laquelle elle figure,  Trouble In Dreams (2008). Sa voix distinctive – pensez à Bowie en plus aigu et nasillard – captivait immédiatement. C’était comme si Destroyer s’adressait à chacun de nous personnellement. En oubliant le reste de la foule, on se laissait facilement prendre au jeu de l’émotivité.

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Destroyer a poursuivi sous les applaudissements en ressortant l’excellente «Your Blood» de l’album Destroyer’s Rubies (2006), une chanson qui a su plaire à son public. Puis «The Chosen Few», aux arpèges «mexicains», est venu nous écorcher plus encore que les précédentes. Les cordes de sa guitare étaient balayées sans scrupule. Bejar semblait aimer faire souffrir son instrument. Rude, c’est aussi comme cela qu’on aime le chanteur et compositeur. La chanson, construite autour des mêmes accords répétés, s’est avérée efficace.

Si on pensait entendre les reprises d’Antonio Luque, parues sur le maxi Five Spanish Songs l’an passé, on aura été surpris que Dan Bejar n’en présente ultimement qu’une seule: «Bye Bye». Celle-là conservait toute sa simplicité. Les mots en espagnol volaient léger dans la salle et venaient attendrir doucement nos oreilles. Destroyer aurait eu le feu vert pour exploiter davantage ses origines hispanophones hier soir!

Comme on s’y attendait pour une pièce aussi persuasive et déconcertante que «Foam Hands», la foule a manifesté une appréciation bruyante suite à la finale appuyée qu’a livrée Destroyer. À la septième pièce, c’est l’ambiance de Kaputt (2011) qui a refait surface avec «Downtown». Seule la guitare a dû rendre l’effet lisse de la mélodie cuivrée sur le disque de 2011, mais la performance minimaliste fut des plus réussies. Plus tard, on s’est laissé bercer par «Chinatown», qu’on retrouvait harmonieuse et parfaite. Ce passage répété «I can’t walk away / You can’t walk away» était fredonné sur plusieurs lèvres.

Destroyer a revisité aussi Streethawk: A Seduction (2001) en jouant «Helena», «Farrar, Straus and Giroux» et «Virgin With a Memory». Il en va de même pour Your Blues (2004), en enchaînant «Savage Night at the Opera», «Don’t Become the Thing You Hated» et «What Road» à la fin du concert. Les fans de l’artiste prolifique ont eu l’occasion de se frotter à une nouvelle chanson, «Light Travels Down the Catwalk», et d’apprécier les talents de Bejar au sein des New Pornographers avec «Streets on Fire».

En conclusion, le public a eu droit à un spectacle aigre-doux, souvent serein, et de temps en temps, urgent et déstabilisant. Il n’y a eu aucun fla fla, on s’est vu confronter qu’à du vrai, qu’à du Bejar. La façon dont Destroyer s’entretenait avec la foule tout au long de la soirée était elle-même naturelle et sans présomption. Il s’agissait en définitive d’un concert magnétique, emballant, empreint d’humanité comme on n’en voit pas si fréquemment.

Camp

Le groupe Camp a cassé la glace vers 21h30. Le band a présenté des chansons qui ne dérogeaient pas tellement de la tendance actuelle de l’indie rock, orientée vers le synthé kitsch des années 1980. La prestation ne nous a pas complètement déplu, il faut lui reconnaître une certaine recherche esthétique. Mais, on a eu l’impression de découvrir des chansons qui manquaient de finition, qui  dérangeaient par-ci et là. Bref, on regrette le caractère encore débutant de Camp.

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