SortiesDans la peau de
Crédit photo : Photo à la une: l'équipe de HUB Studio
Thomas et Gonzalo, vous êtes les fondateurs de HUB Studio, une entreprise spécialisée dans la conception, la mise en scène et la réalisation d’expériences multisensorielles pour la scène et dans l’espace public. Pourriez-vous nous partager ce moment où vous avez décidé d’explorer ensemble la recherche créative et la conception d’expériences artistiques?
Thomas: «Pour faire une histoire courte, Gonzalo et moi étions tous les deux étudiants en production à l’École nationale de théâtre du Canada. On avait des projets créatifs à réaliser, et on s’intéressait ensemble à faire autrement que ce qu’on nous demandait de faire. Après l’école, on s’est rapidement entraidés, autant sur de gros projets de création à l’international que sur de plus petits à Montréal.»
«À un moment, on s’est dit qu’au lieu de créer et de travailler pour les autres, on avait envie de travailler pour nous. On voulait réunir un réseau d’artistes et de créateurs qui souhaitaient explorer des manières différentes de faire de la création artistique: de là est né HUB Studio.»
Dans vos propres mots, pourriez-vous nous expliquer ce qu’est HUB studio: depuis quand existe-t-il, et quels objectifs poursuit-il à travers les projets réalisés en son sein?
Gonzalo: «Le studio a célébré ses quatre ans au mois d’avril dernier. Notre objectif est de créer des œuvres, de toucher la sensibilité des gens, et de faire appel à leur intelligence en se servant des technologies pour créer des œuvres multisensorielles.»
«Venant du milieu du théâtre, on veut concevoir des projets qui peuvent se sentir, se regarder, se toucher. On trouve qu’il y a déjà beaucoup trop de développement digital en ce moment au sein des jeux vidéo et des applications; on est immergés par la technologie. On souhaite aller au-delà et s’adresser à la sensibilité des gens pour toucher, adresser un message, raconter une histoire par la création d’œuvres artistiques.»
Votre installation interactive Spectrum, coproduite par le Partenariat du Quartier des spectacles en collaboration avec Quays Culture, a été exposée en décembre 2018 à Salford Quays, en Angleterre, dans le cadre de Lightwaves. Elle est actuellement présentée en première montréalaise à la place de la Paix jusqu’au 14 octobre. En quoi consiste-t-elle et comment fonctionne-t-elle?
Gonzalo: «Spectrum, c’est une œuvre sur la communication qui consiste en une série de quinze anneaux lumineux avec un micro de chaque côté. Quand les gens parlent, la voix est transformée en lumière et passe à travers les anneaux: on peut ainsi visualiser la parole et les mots. Quand il y a des personnes à chaque extrémité, on peut ainsi voir les lumières se transposer et passer d’un côté à l’autre.»
«Le nom Spectrum vient du fait qu’on visualise les vibrations avec lesquelles on communique; celles créées par le toucher, le son, la voix, les couleurs. On voulait que les gens soient conscients que la communication, ce n’est que de la vibration. Et, quand on vibre ensemble, on peut changer un espace public.»
Thomas: «C’est super intéressant pour nous de travailler dans l’espace public parce que, venant du monde des arts de la scène, on a cette façon assez unique et particulière de plonger les gens dans un univers, de leur raconter une histoire.»
«Ici, ce qui nous allume particulièrement, c’est de faire tomber les murs du théâtre et d’amener une expérience qui va être touchante et qui va parler au public. L’espace public est donc un lieu idéal pour nous; au lieu d’avoir des spectateurs qui ont payé leur billet et qui savent à quoi s’attendre, on réussit à attraper les passants qui ne s’attendaient pas à vivre une expérience artistique. C’est un accident artistique qui, pour nous, est vraiment quelque chose d’essentiel dans l’espace urbain.»
Quels ont été les plus gros défis rencontrés tout au long du processus de création de Spectrum?
Gonzalo: «En fait, la partie créative a été très évolutive, car c’est un concept qu’on a développé depuis à peu près un an. On est passé par plusieurs phases, on l’a fait évoluer jusqu’à pouvoir le présenter pour le concours organisé par Quays Culture et le Partenariat du Quartier des spectacles l’année passée.»
«Le défi, ça a donc été le temps, car entre la date où on nous a annoncé qu’on avait remporté le concours et la livraison pour Manchester – tout en enlevant quarante-cinq jours pour le transport en bateau –, il ne nous restait plus autant de temps de production que nous aurions souhaité.»
«Aussi, c’était la première œuvre que l’on présentait dans l’espace public. On est habitués à ce que les spectateurs ne puissent pas toucher ni à l’œuvre ni à la scénographie, ce qui simplifie beaucoup la construction. Dans ce cas, les gens peuvent toucher, manipuler Spectrum. Il a donc fallu la protéger contre le vandalisme et les intempéries.»
«Cela a amené un lot de complexités techniques qui, selon moi, ont été très bien contournées. À Manchester, elle a fonctionné pendant dix jours sous la pluie sans problème. On a aussi eu quelques problèmes avec la chaleur, mais en ce moment, ça fonctionne très bien.»
Depuis le 15 août, votre installation attire la curiosité des Montréalais et des touristes dans le Quartier des spectacles. Comment les passants ont-ils réagi face à Spectrum? Peut-être avez-vous une anecdote drôle et ludique à nous raconter!
Thomas: «Il y a quelques jours, je suis passé en soirée avec des amis. J’ai pris le temps d’observer les gens de façon anonyme. C’était intéressant parce qu’ils interagissaient vraiment de façon très intuitive. Ils prenaient le temps de découvrir l’œuvre et de comprendre comment elle fonctionne. Après quelques secondes, lorsqu’ils parlaient, ils découvraient le spectre lumineux et s’amusaient beaucoup.»
«C’est une belle surprise de voir à quel point les passants aiment prendre l’œuvre en photos, et à quel point les images rendent bien autant de près que de loin: on le voit sur Instagram! Ça rend les gens et l’espace très photogéniques.»
Gonzalo: «Je me suis beaucoup amusé à rencontrer et à questionner les gens quand j’étais à Manchester. Il y en a qui pensaient qu’on récoltait et qu’on analysait les données pour ensuite changer l’espace public. Entendre les théories des gens, comme ceux qui pensaient que c’était pour parler à distance à la façon d’un talkie-walkie, c’était drôle!»
«À Montréal, il y a un texte explicatif, contrairement à Manchester où il n’y avait aucune information concernant l’œuvre. Donc, les gens sont plus portés à comprendre le but de cette œuvre… mais on a hâte de voir quelle va être la réponse du public!»