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Crédit photo : Tristram Kenton
Until the Lions est une adaptation partielle d’un conte épique traditionnel d’Inde, Echoes from the Mahabharata de Karthika Naïr. Le poème est remis au goût du jour par Akram Khan et son équipe, et permet à la danse traditionnelle indienne – le Kathak -, la musique et la danse contemporaine de se rencontrer avec virtuosité.
Un décor de symboles
Au centre de l’espace, une souche. Les cercles de vie de l’arbre coupé sont détournés par quelques failles ici et là. Éclairée, une tête (moulage du crâne d’un homme, celui d’Akram Khan?) est posée sur la surface du bois. Lorsqu’une première danseuse, ou plutôt une créature sauvage fait son entrée, l’univers symbolique s’impose. Animal et articulé, son corps de femme est transformé.
À mi-chemin entre une mante religieuse et un singe, la bête est virtuose. L’univers symbolique et narratif d’Akram Khan s’installe définitivement avec l’arrivée théâtrale d’un homme en fuite, une princesse sur les épaules qui se débat. On entre dans l’histoire d’Amba, personnage féminin abordé par le chorégraphe londonien, d’origine bangladaise.
La symbiose entre musique et danse
Si la signature chorégraphique d’Akram Khan est si unique et virtuose, c’est en partie grâce au travail exceptionnel de composition musicale en harmonie avec le mouvement. Les quatre musiciens et chanteurs font en effet complètement partie de la narration de la pièce. Assis autour de la souche, ils définissent l’espace et le rythme et permettent aux corps d’exprimer en toute puissance chaque mouvement.
Plutôt descriptive, la trame musicale guide la compréhension du spectateur, tant au niveau émotif que narratif. Avec deux morceaux de bois chacun, les musiciens scandent une pulsation, qui reviendra souvent dans la pièce dans les moments de violence, de tension. L’effet est fort!
En termes de composition, la pièce est souvent construite en montées graduelles de climax, dont l’apogée réside dans un arrêt total de musique et de mouvement: surprenant, contenu, résonnant.
À propos de la narration
En sortant de la TOHU, une réflexion m’est venue après avoir senti le bonheur du public d’avoir été témoin de ce spectacle. L’aspect très narratif a-t-il eu un impact de satisfaction pour les spectateurs?
Pour les habitués des salles contemporaines, Until the Lions, par la simple notion d’histoire et de personnages, sort de l’ordinaire d’une danse abstraite du mouvement pour du mouvement. L’histoire vécue par les danseurs à travers la fiction nous renvoie-t-elle davantage à notre propre vie intérieure? Ou bien est-ce le génie de la pièce visuellement impressionnante – le rondin devient mobile et laisse s’ouvrir les failles fumantes? Ou encore la virtuosité des interprètes? Avec ses péripéties et son développement, le conte nous invite probablement à regarder le spectacle avec nos yeux d’enfants et donc, à nous émerveiller davantage devant la portée cathartique d’un personnage vainqueur d’épreuves.
D’autant plus lorsqu’il s’agit d’une femme qui prendra sa revanche sur la vie, sur les hommes. Sujet actuel…
Impossible de conclure sans faire de retour sur la danse, le corps. Akram Khan, Ching-Ying Chien et Christine Joy Ritter sont simplement hallucinants. D’une précision rare, les corps sont souples et solides, capables de grandes prouesses techniques, et surtout très puissants dans l’endurance. La rapidité, la complexité musicale et le 360 degrés de la salle imposent à la danse de nombreuses contraintes, qui ne font qu’élever les danseurs, puisque ceux-ci bravent avec brio les obstacles.
Until the Lions donne à la danse une pureté et une façon de véhiculer du sens à travers le corps. Merci pour cela.
L'événement en photos
Par Tristram Kenton et Jean-Louis Fernandez
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