SortiesConcerts
Crédit photo : Mathieu Pothier
C’est le duo montréalais électro à saveur trip-hop Milk & Bone qui assurait la première partie du spectacle dans une prestation qui nous a, une fois de plus, dévoilé l’immense potentiel des deux jeunes femmes à l’éthos si caractéristique. Leurs silhouettes drapées se devinaient à peine dans le noir, évanescentes et vaporeuses, passablement emo, toutes en candeur et en sensibilité devant l’imposante salle qui se dépliait devant elles. Marquant un contrepoids au sampler élaboré de Gonzales (ainsi qu’il nommait le Kaiser Quartett) avec leurs échantillonnages et leurs claviers, elles illustraient parfaitement le caractère antithétique du discours et du parcours créatif de leur mentor.
Gonzales leur avait effectivement offert une place de choix lors de son spectacle du printemps dernier, s’unissant à leurs voix pour reprendre son excellente «Why Don’t We Disappear» elle qui, vraiment, nous avait permis d’embrasser en quelques secondes toute leur singularité. Leur premier album Little Mournings est paru en mars 2015 et le second devrait être dévoilé bientôt. Chilly à quant à lui évoqué son souhait de créer avec elles durant son année sabbatique. Leur avenir est pour le moins prometteur. On retient encore leur sublime «Coconut Water», qui nous laisse entrevoir l’épanouissement d’un beau talent de mélodistes.
C’est sous des applaudissements nourris que Chilly Gonzales est monté sur scène après un bref entracte. Toujours aussi généreux, il a offert une performance d’environ deux heures et trente minutes, où ses compositions ont servi l’exceptionnel Kaiser Quartett et où il semble avoir voulu conquérir un plus large public qu’il ne l’a fait par le passé. Quelques paroles de chansons censurées ici et là et de l’humour, beaucoup d’humour. Ce n’est toutefois rien d’exceptionnel, car s’esclaffer n’est pas rare lorsqu’on assiste aux spectacles de ce virtuose, aussi showman que musicien; il sait aussi nous faire rire aux larmes. À travers des au revoir un peu longuets et complaisants par moments, il nous a également offert de nombreux morceaux de ces Solo Piano I et II, ses deux disques les plus populaires. Aussi, quelques pièces de son répertoire plus lointain comme l’éclectique «Take Me To Broadway» (Z, 2003) et la planante «Knight Moves» (Ivory Tower, 2010).
En fin de soirée, alors qu’il annonçait qu’il revenait s’établir à Montréal pour son année (expliquant possiblement la récente campagne de promotion), sa grande copine Feist est venue le rejoindre sur scène au son d’une salve d’applaudissements d’un public déjà plutôt délirant. S’ensuivit l’un des plus beaux et touchants moments de la soirée lorsqu’ils nous ont offert un morceau soi-disant composé l’après-midi même, et qui nous faisait souhaiter qu’ils collaborent de nouveau plus régulièrement. La prestation s’est terminée de manière aussi jouissive que collaborative quand Gonzo a fait monter sur scène deux spectateurs, et que lui s’en est allé prendre un bain de foule en rappant. À ce moment-là, on ne pouvait plus entendre grand-chose de ce qu’il chantait. Peu importe, son transport était beau à voir, parmi les spectateurs debout.
Il nous a donc offert un spectacle qui s’adressait autant aux néophytes du phénomène qu’il est qu’à ses supporteurs de longue date. La Salle Wilfrid-Pelletier est une grande salle, somme toute, assez froide, et qui est souvent le théâtre de manifestations un peu guindées (dans la salle, comme sur la scène). Gonzales, a cependant su l’habiter pleinement et si, grandiose, elle convenait un peu moins à son ancienne incarnation de «génie», elle convient parfaitement à sa nouvelle posture de rockstar. C’est avec impatience qu’on attend la nouvelle déclinaison de son personnage et ses nouvelles compos‘ mais c’est le coeur un peu lourd qu’on le voit dire adieu à son fantasme d’être un génie.
Nous, on y croit toujours.
L'avis
de la rédaction