Le ballet théâtral «Roméo & Juliette» de Jean-Christophe Maillot à la Place des Arts

L’histoire de Roméo et Juliette est certes bien connue de tous; il s’agit d’une histoire de William Shakespeare qui a été adaptée à maintes et maintes reprises. Et, pour cause, ce conte d’amour tragique touche une corde sensible auprès du public; les Grands Ballets Canadiens affichaient complet, et ce, même avant le soir de la première, ce qui est très rare.

Pour le chorégraphe Jean-Christophe Maillot, Roméo et Juliette est, par-dessus tout, le récit de la jeune Juliette et non celui de Roméo. Celle-ci, promise à Paris, rencontre Roméo lors d’un bal. Elle en tombe passionnément amoureuse, car il symbolise, à ses yeux, l’Amour absolu. Roméo, un être plutôt frivole, tente d’oublier Rosaline, sa dernière conquête, lorsqu’il rencontre la jeune Juliette au bal. Il éprouve dès lors des sentiments puissants qu’il n’a jamais ressentis auparavant. Elle devient son obsession.

Ils proviennent de deux familles ennemies, Juliette étant une Capulet, et Roméo, un Montaigu. Dans l’histoire originale, la guerre que se livrent ces deux entités rivales est particulièrement sanglante, ce qui n’est pas le cas de ce ballet. Maillot a plutôt décidé que le conflit qui les oppose reposerait sur la chamaille, prenant les traits d’adolescents dissipés qui se taquinent. Rien de bien sérieux jusqu’à ce qu’une querelle n’envenime l’histoire. Le Frère Laurent a, dans cette version, un rôle important; nous voyons l’histoire évoluer à travers son regard.

Un second aspect orignal de la chorégraphie de Jean-Christophe Maillot est qu’il n’y a pas d’accessoire, donc pas d’épée, pas de flacon de poison… Un foulard rouge indique la mort. Le décor est minimaliste: il y a une passerelle et quelques grands cylindres mobiles, et lorsque ceux-ci sont déplacés, le mouvement est si progressif qu’il ne cause pas de distraction. Les costumes sont inspirés par la Grèce antique, tout en ayant des lignes modernes. Les habits étaient jolis, mais pas époustouflant. Celui de la nourrice était si volumineux qu’il était difficile de percevoir la fluidité de ses mouvements. Le but de cette mise en scène était de conférer un caractère intemporel à ce spectacle. Cependant, il est difficile de se dissocier de l’Antiquité; la passerelle sert de balcon et les vêtements ne sont pas suffisamment épurés; le style rappelle celui de l’époque romaine. 

La musique, composée par le Russe Serge Prokofiev, fut interprétée par l’Orchestre des Grands Ballets Canadiens, sous la direction de Florian Ziemen. Ceux-ci ont fait un travail extraordinaire, jouant avec intensité et vigueur, permettant ainsi aux danseurs de personnifier avec justesse la vaste gamme d’émotions que constitue Roméo et Juliette. La musique ne fait pas qu’accompagner l’histoire, elle en fait partie.

Le jeu des ballerines et ballerins est excellent, et la distribution est particulièrement réussie. Les émotions, que ce soit l’amour, la maladresse d’un premier amour, le désarroi ou la colère, sont superbement rendues. Étonnamment, les quelques éléments comiques de cette histoire n’ont arraché que quelques rires discrets. Ceci étant dit, soulignons le talent de Juliette (Christie Partelow), Roméo (Troy Herring), l’excellente Lady Capulet (Vanesa G.R. Montoya), le Frère Laurent (Hervé Courtain) et Benvolio (Rubén Julliard).

La scène de la bagarre, jouée au ralenti par les danseurs, tandis que la musique adopte un tempo effréné, confère une atmosphère tragique et angoissante qui est essentielle à l’histoire. Ce fut l’un des moments les plus captivants. De plus, les artistes ont dansé avec beaucoup d’énergie, donnant une vitalité incroyable à cette pièce. Ce ballet théâtral fait appel autant à des pointes et autres pas classiques qu’à des mouvements de danse contemporaine, plus avant-gardiste.

Pour ceux qui préfèrent un spectacle plus traditionnel, celui-ci peut être décevant. Par contre, ceux qui affectionnent le néoclassique seront enchantés de voir une chorégraphie plus libre et organique.