SortiesDanse
Crédit photo : Laurent Philippe
Chaos sensoriel
Pendant un peu plus de deux heures, on entre dans un univers déchaîné où les humains deviennent en quelque sorte des créatures fort expressives, souvent grimaçantes, semblant raconter une histoire saugrenue à l’aide d’objets, de mouvements et de musique.
Des lutrins éparpillés sur scène deviennent des fusils, des machines à écrire, ou encore écartent la bouche d’une danseuse. Tout est intense, rien n’est fait à moitié: les pas sont marqués, les (rares) paroles sont pesées et les faciès délirants des interprètes nous font croire qu’ils vivent quelque chose d’indicible. Toutes ces informations captivent le regard et l’ouïe pour un divertissement garanti. Toutefois, cette surcharge d’information devient parfois angoissante, tant on ne sait plus où donner de la tête.
La présence des sons est primordiale dans l’œuvre. Ils donnent souvent un sens à l’action, sinon la guident en battant la mesure. Cinq trompettistes participent à la pièce et animent cette fête aux drôles de couleurs. Les danseurs chantent, crient et prennent même le rôle de chef d’orchestre. La façon dont les treize danseurs et musiciens sont habités par ces sons devient rapidement contagieuse.
Monteiro Freitas utilise l’espace pour créer une variété d’images vivantes, tantôt en exploitant la tension spatiale au profit du narratif, tantôt en délimitant des sortes de «stations» comportant chacune leur univers. La danse est rarement un enchaînement de pas chorégraphiés semblable à ce que le commun des mortels nomme danse; on assiste plutôt à la mise en mouvement d’actes du quotidien ou encore à des états de corps poussés à des extrêmes physiques et expressifs.
Il est difficile de dire si les choses deviennent de plus en plus survoltées ou si c’est l’accumulation de bruit et d’action qui fait sentir que le niveau d’énergie grimpe tout au long de la pièce. Certains moments d’accalmie viennent contrebalancer le chaos rythmé qui les précède et les suit, permettant une pause nécessaire à l’investissement requis pour suivre le cours de l’œuvre.
Un saut dans le temps
Bacchantes – Prélude pour une purge s’inspire d’une pièce de l’Antiquité sans en calquer tous les faits et gestes. L’opulence et la luxure font honneur au dieu grec Dionysos et certains éléments semblent faire écho à des moments précis de l’œuvre d’origine. Même sans avoir spécialement de connaissances en tragédie grecque, on réussit plutôt bien à comprendre l’œuvre, mais elle est probablement meilleure avec un bagage suffisant pour en décoder les références.
En bref
L’œuvre de Monteiro Freitas est divertissante et intelligemment montée. Pièce généreuse qui en donne beaucoup à voir et à entendre, elle demande que le spectateur soit actif durant la représentation, sans quoi il ne pourra pas vraiment en apprécier les nuances. Son côté ludique et dynamique la rend rafraîchissante, mais parfois étouffante; c’est pourquoi il faut accepter qu’on ne verra pas tout, qu’on ne pourra pas l’absorber en entier. De plus, il est peut-être plus facile de suivre la pièce si l’on est habitué – ou du moins initié– au théâtre ou à la danse contemporaine.
Néanmoins, qu’on soit connaisseur ou pas du tout, Bacchantes – Prélude pour une purge risque d’être une expérience surprenante et amusante pour les gens qui s’y aventureront!
«Bacchantes – Prélude pour une purge» en images
Par Laurent Philippe
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de la rédaction