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Album photos (24) – C’est dans le grandiose Théâtre Outremont que les réservés David Marin et Stéphane Lafleur et son groupe ont présenté leur musique folk à un public nombreux et attentif samedi dernier. Sans grand éclat, la soirée a plutôt prouvé qu’il ne fallait pas grand-chose pour faire de la musique intelligente. Les deux artistes, jumelés dans le cadre du festival Coup de cœur francophone, ont offert des performances statiques et senties de chansons tranquilles, mais bien orchestrées.
Une basse, une slide guitar, deux guitares électriques, un baryton, un clavier, une auto-harpe, un trombone, un tuba, une trompette, un vibraphone, une batterie et même un gazou: Avec pas d’casque ne lésine pas sur les moyens pour créer des ambiances riches et diversifiées pour offrir des sonorités complexes et variées. Stéphane Lafleur et sa bande – Nicolas Moussette (basse et slide guitar), Joël Vaudreuil (batterie), Simon Trottier à la guitare (invité pour les spectacles de cet automne), Mathieu Charbonneau (baryton, claviers, auto-harpe) et Benoît Rocheleau, tromboniste et multi-instrumentiste présent cette soirée seulement – ont su créer, tout au long de la soirée, des numéros complets et efficaces lors de ce qui était le dernier spectacle à Montréal pour la tournée d’Astronomie (2012).
Débutant avec «Intuition #1», dans une ambiance douce à la batterie minimaliste et aux sons de vent créés par Benoît Rocheleau soufflant dans son trombone, Avec pas d’casque a rapidement instauré le climat feutré qui accompagnerait ses douces mélodies à la poésie simple et vraie tout au long de la soirée. Musique à la forte sonorité folk, presque country par moments, c’est la slide guitar, présente presque sur chacun des dix-huit titres interprétés, qui ramenait invariablement les airs à ces genres musicaux et qui ajoutait une petite touche des plus agréables pour l’oreille, puisque l’instrument se démarquait bien des autres.
L’apport de cuivres à la douceur des ballades contribuait de très jolie façon à la chaleur des pièces et au côté un peu sombre des compositions du groupe. D’autres belles surprises ont surgi ici et là comme la légère auto-harpe, jouée de façon subtile, pour rehausser l’ambiance lourde et planante de «Talent», l’une des pièces les plus réussies du spectacle, qui comprenait une guitare très électrique, un crescendo de cymbales, du grand vent soufflé par Rocheleau, cette fois-ci dans un tuba, et la basse frottée à l’aide d’un archet. Mais c’est le gazou, surprise percutante et bien audible – pas comme le vibraphone qui, sauf lors de la délicate «Deux colleys» et la sublime «Walkie-talkie» (Dommage que tu sois pris, 2013), se perdait malheureusement dans le fleuve de sonorités créées – qui a véritablement étonné. Mélangé aux cuivres lors de solos comme sur «Veiller le feu», le gazou perd son étiquette loufoque et devient un instrument d’une intensité particulière.
Malgré son impassibilité et son air sérieux, Stéphane Lafleur s’avère être un ricaneur, presque incapable de terminer ses anecdotes, car il rit d’avance. Taquinant ses collègues musiciens, le chanteur du groupe a ponctué la soirée d’histoires parfois comiques, parfois sérieuses. Ce fût le cas en présentation d’une chanson «sur des temps qui n’existent plus, je pense», «Apprivoiser les avions», où Lafleur chante «Ramène-moi à Mirabel voir les avions supersoniques, shotgun sur la table à pique-nique, qu’on se détende», après avoir raconté son enfance à St-Jérôme, durant laquelle ses parents l’amenaient voir les spectacles aériens. Mais la pièce qui a suscité le plus de réactions est sans surprise «La journée qui s’en vient est flambant neuve», que les spectateurs ont reconnue dès les toutes premières notes, ce qui les a fait taper des mains allègrement.
En rappel, Avec pas d’casque a offert sa version de la pièce «Ôte-moi mon linge», que Lafleur a écrite et offerte aux sœurs Boulay. Plus country, toujours avec la pedal steel, la chanson a été interprétée de façon sensible par le chanteur qui a ensuite offert «Les oiseaux faussent aussi». Visiblement surpris par la clameur de l’assistance qui en redemandait encore, Stéphane Lafleur est revenu seul avec Mathieu Charbonneau au clavier pour offrir du nouveau matériel. «C’est assez nouveau pour que les autres ne les sachent pas… même si c’est les mêmes accords que les autres tounes!» a expliqué Lafleur, avant d’offrir une pièce fort prometteuse pour un prochain album qui ne devrait pas tarder à paraître. Avec pas d’casque ne donnera plus que quelques spectacles au Québec avant de disparaître dans sa tanière pour composer.
Appréciation: ***½
David Marin
«J’aime ça faire des premières parties, j’ferais juste ça. J’aime ça rencontrer des publics qu’on s’attend pas ni l’un ni l’autre», a lancé d’emblée un David Marin d’apparence timide et posé, assis sur son banc, caché derrière sa guitare qui elle, est cachée derrière son clavier. Débutant avec la pièce d’ouverture de son récent album, «Cobaye», l’auteur-compositeur-interprète a offert huit pièces de l’album Le choix de l’embarras, paru le 15 octobre dernier.
Délaissant rapidement la guitare au profit de son clavier, Marin a révélé tout au long de la soirée des influences blues insoupçonnées. Sans quitter son banc, le musicien s’est laissé aller à de nombreuses envolées instrumentales avec une certaine fougue, malgré son immobilité. C’est surtout la pièce-titre, «Le choix de l’embarras», durant laquelle les musiciens Pierre Fortin (batterie) et Marc-André Landry (basse et voix) ont laissé Marin en solo, qui a démontré tous les talents de pianiste de l’artiste.
David Marin est visiblement heureux de se produire sur scène et il aime parler à son public, tantôt les invitant à taper des mains comme pendant «Le vent vire», la pièce la plus rythmée présentée durant la soirée, avec un solo de piano entraînant et une envolée musicale à la toute fin, tantôt pour présenter ses chansons. «La prochaine, c’est une chanson durant laquelle vous n’êtes pas obligés de me regarder… Parce que ça parle de quelque chose qui se passe plus les yeux fermés», a-t-il lancé, un peu rieur, avant d’entamer «Rêve avec moi».
Jouant avec son clavier à moitié assis, se laissant aller au rythme de la batterie bien présente sur «Tunnel», Marin a démontré qu’il pouvait bouger – un peu – mais il a surtout charmé son audience grâce à de jolis textes et des interprétations sensibles. Même si de façon générale la musique de David Marin est douce, chaque performance a bien mis en valeur de nombreuses envolées instrumentales percutantes, alors que la basse, le clavier et la batterie s’entremêlaient avec intensité, comme sur «Mes dépendances», une pièce qui apparaissait d’abord lente, mais qui s’est terminée en crescendo.
Retrouvant finalement sa guitare pour son dernier numéro de la soirée, David Marin a démontré ses talents d’auteur avec des phrases comme «Je serai ton étoile, de mer ou de l’espace. Si tu flottes ou tu cales, je saurai ce qui se passe», sur «Étoile de mer». Marin a démontré samedi soir le sérieux de ses compositions, la force de ses mots et de ses accords plaqués au clavier, malgré la tranquillité du personnage et de ses ballades.
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Crédit photo: Louis-Charles Dumais
Écrit par: Alice Côté Dupuis