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À ceux qui se demandent quoi faire de leurs jeans-t-shirts-camis déchirés, voici la réponse toute simple: les pitcher au bout de vos bras. Oui, je sais, vous avez mis beaucoup d’effort à les découper et les frotter avec une brosse en métal et du Sex Pistols comme musique de fond, mais vous pourrez toujours vous en vêtir pour peinturer, ça fera de beaux selfies. Cela dit, porter des vêtements faussement abîmés demeure tout de même une tendance pouvant paraître étrange et qui est fondamentalement de notre époque. Avant le milieu des années 70, porter des vêtements usés était synonyme de pauvreté, ou d’un laisser-aller lié à une maladie bien plus grave que la ciseau-manie.
Mais avec le mouvement punk est venu un rejet en bloc des tendances et valeurs passées et le vêtement troué a fait son apparition. Le jean, emblématique de l’attitude décontractée du hippie, se voit alors dépouillé de ses appliqués floraux pour être désacralisé à coup de cisaille. Le punk ne cherche alors pas un look ou une attitude, sa démarche est socialement engagée, il se reconstruit une identité sur fond de crise économique et de macramé passé date. Ainsi, le troué à ses débuts, s’inscrivait en marge de la tendance mainstream , qui elle, cheminait tranquillement vers le disco, Boy George et le spandex fluo. Si vous voulez voir un mélange de toutes ces tendances, allez voir quelques images de Madonna à ses débuts, qui réussissait le pari de l’amalgame.
Voilà que vers 2006, le troué refait doucement son apparition, mais dans la haute couture. Christophe Decarnin (anciennement chez Paco Rabanne) est alors à la barre de la maison Balmain qui l’a embauché pour remonter la cote de la marque. Pari réussi, en 2006, il ose une approche plus trash et 2007, il y a des trous partout sauf dans les profits. Olivier Rousteing, son successeur poursuivra dans la même veine pour en arriver au jean troué en 2009. En 2010, le designer s’était calmé sur les trous d’aération, mais 5 ans plus tard, les dernières vagues de cette tendance se font encore sentir ici et là, surtout chez certaines marques de fast fashion. Depuis, les vedettes s’en servent lorsqu’elles convoquent les paparazzi à leurs sorties quotidiennes (photo ops) pour paraître au naturel et croquées sur le vif. C’est vite devenu l’uniforme des aéroports et des sorties en ville.
À l’origine, chez les punks, il s’agissait d’une forme de provocation et de redéfinition identitaire par le refus de l’autorité et un renversement des règles. C’est aussi ce qu’ils ont fait chez Balmain pour ressusciter la marque en attirant l’attention par la provocation (oui c’est réducteur de le dire comme ça, je résume, là). Ce mécanisme, on le connaît bien, on l’a tous utilisé à une époque de notre vie, genre à 2 ou 15 ans (oui, c’est de la psycho à deux balles, je fais des liens, là). Mais en 2015, si vous voulez porter cette mode pour avoir l’air tendance, oubliez ça vous êtes cinq ans en retard et vous aurez l’air d’une Kardashian*.
Si c’est plutôt parce que vous voulez dégager une vibe «cowboy-dur-à-cuire» ou «dégage-j’en-ai-vu-d’autre», le déchiré savant n’est pas la solution pour remédier à votre réputation de cœur tendre, faites-vous plutôt percer le septum. Mais surtout, comme pour toutes les tendances: si vous y tenez vraiment, portez-les, les trous, faites-vous plaisir et assumez-le bien fort, trouvez votre manière unique de l’agencer. Le risque? Il s’agit du genre de vêtements qui bien souvent nous portent, plutôt que de nous laisser les porter. Sur ce, Rock The Casbah!
*Il ne s’agit pas d’une attaque gratuite, mais d’une observation très pertinente. Pour info, j’ai mon Doctorat ès Kardashian. D’ailleurs, mise à jour importante, au moment de publier ces lignes, Kylie a été vue avec un jean déchiré pour la première fois depuis 10 semaines.
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