«Assembly Hall», la toute nouvelle création de Kidd Pivot à la Place des Arts – Bible urbaine

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«Assembly Hall», la toute nouvelle création de Kidd Pivot à la Place des Arts

«Assembly Hall», la toute nouvelle création de Kidd Pivot à la Place des Arts

Une odyssée artistique remplie d'absurdité et d'audace

Publié le 5 décembre 2023 par Olivia Gomez

Crédit photo : Michael Slobodian

Présentée du 29 novembre au 2 décembre au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts, «Assembly Hall» est une création chorégraphiée et mise en scène par la danseuse et chorégraphe canadienne Crystal Pite, écrite et dirigée par l'acteur Jonathon Young. Il va sans dire, cette œuvre met de l'avant une proposition artistique complète, avec une technique irréprochable et une interprétation impeccable de la part des danseurs, ainsi qu'un concept artistique riche en détails, tant au niveau scénique que technique. Cela faisait un moment que je n'avais pas eu le privilège d'assister à une œuvre aussi parfaite à tous les niveaux!

La compagnie vancouvéroise Kidd Pivot, dirigée par la chorégraphe de renommée Crystal Pite, est reconnue dans le monde entier pour ses performances innovantes en danse contemporaine. Mêlant mouvements captivants, théâtre et narration, cette dernière a toujours su susciter la curiosité du public avec ses créations, et le fait de revoir la compagnie ici, à Montréal, était une belle occasion de s’immerger dans un univers créatif qui émerveille les sens.

Bien sûr, avec la récente annonce à propos de la fermeture possible de plusieurs compagnies culturelles de la métropole, j’étais plutôt d’humeur méditative autour de ce triste sujet, mais dès mon arrivée, j’ai contemplé de mes yeux ce sentiment de joie qui régnait dans la salle, remplie pour l’occasion d’une communauté de danseurs montréalais, et ça m’a donné l’élan pour m’asseoir, me vider l’esprit et me laisser aller à découvrir les univers proposés, aux frontières du médiéval et de l’onirique.

Une fusion réussie entre la danse et le théâtre

D’entrée de jeu, l’audace de la création s’est manifestée au niveau de la scénographie, car sur scène une salle de gymnase s’est offerte à notre regard, ce qui a plongé les spectateurs dans une ambiance pour le moins intrigante. Dans le haut, au centre, on avait disposé un panier de basket-ball, et juste en dessous, des rideaux rouges camouflant une scène.

Déjà, on avait bien éveillé mon regard qui n’attendait qu’à être ébahi!

«Assembly Hall» de Kidd Pivot. Photo: Michael Slobodian

Puis, les danseurs ont fait leur entrée sur scène. D’un air décontracté, ils se sont salués, puis ils ont disposé des chaises pour former un demi-cercle. Leurs costumes offraient un clin d’œil pertinent à des tenues scolaires décontractées, et l’ambiance qui régnait à ce moment-là était celle que l’on vit lors d’une assemblée à plusieurs.

La mise en scène de cet instant était particulièrement riche, puisqu’on assistait à une réunion d’un groupe d’amateurs de jeux médiévaux qui s’étaient rassemblés pour la tenue de leur assemblée générale, afin de discuter de l’avenir de leur organisation. J’ai vite compris, grâce à leurs interactions agitées et leurs mouvements vigoureux, qu’ils traversaient une période difficile…

Ce qui m’a paru ingénieux dans cette scène, c’est la manière dont chacun des interprètes abordait la discussion. Parfois, ils parlaient tous en même temps, alors qu’à d’autres moments un seul prenait la parole, et ce, toujours par l’usage de mouvements énergiques et de gestuelles vigoureuses.

Le dialogue en lui-même était majoritairement comique, suscitant des rires parmi l’auditoire attentif. Je me suis même sentie interpellée, car ça m’a remis en mémoire des moments de ma vie quotidienne où il m’arrive, à moi aussi, de voir mes collègues parler tous en même temps pour en arriver à prendre une décision, ce qui s’avère ardu. Mais elle est là la beauté de la réflexion collective: elle mène à une prise de décision!

Bien que dans le cas de cette assemblée je n’ai pas trop compris quelle conclusion ils ont tirée de leurs échanges, ce n’était pas très clair (et ça ne m’a pas dérangé du tout, car cela m’a permis de laisser toute la place à mon imagination!), il était évident que, pour eux, c’était une décision cruciale.

La suite du spectacle a été un va-et-vient de discussions entre les danseurs. Chacun parlait en voix off, permettant à son personnage de prendre vie, non seulement avec ses mouvements, mais aussi avec sa voix.

Je dois dire que j’ai eu un léger doute quant à ce choix artistique, car j’ai toujours eu un faible pour les «vraies voix» des artistes plutôt qu’une voix off. De plus, ce procédé peut vite nuire à l’interprétation de l’artiste et ainsi rendre cette dernière plus «fausse». Dans ce cas-ci, le jeu des artistes était fantastique, et les voix off ont finalement, et à mon grand étonnement, ajouté de la personnalité à leur jeu!

Par moments, j’avais presque l’impression de contempler une bande dessinée vivante où les artistes interprétaient leurs dialogues avec vigueur, insufflant ainsi un sens, tantôt ludique, tantôt absurde, à l’histoire, et aussi à leurs interactions. Chaque mouvement était minutieusement réfléchi, en harmonie avec le récit. Et ce qui m’a le plus surpris, c’est le langage décortiqué du corps, capable de transcender les mots.

Je l’avoue, je ne voulais tellement rien manquer de l’histoire, bien que mon attention ait été captivée tout au long par les mouvements des danseurs, que j’ai un peu négligé les dialogues et, par conséquent, l’intrigue. Cela n’a heureusement en rien entaché mon expérience comme spectatrice. Au contraire, cela m’a fait réaliser que l’œuvre elle-même est une création délibérément contradictoire. La preuve, son univers créatif, qui oscille du réel à la fantaisie; ses moments du spectacle, où on ressent de la joie et de la détresse; et ses scènes théâtrales, qui jonglent entre l’abrupte et la fluidité.

Cette dualité constante m’a semblé agréablement éloquente pour cette proposition artistique.

«Assembly Hall» de Kidd Pivot. Photo: Michael Slobodian

Une transition vers un monde mythique

Les transitions artistiques, pour leur part, et ici je parle surtout des changements d’éclairages assertifs, ont carrément transporté les spectateurs dans un monde mythique de chevaliers. La transition s’est faite tout doucement, et le point culminant de ce changement de décor a été lorsque les rideaux de la salle de gym se sont ouverts pour nous dévoiler une scène où l’on retrouvait une femme aux allures de Giselle (référence au ballet romantique Giselle), vêtue d’une magnifique robe blanche, pleurant avec un chevalier dans ses bras.

L’image qui s’est dévoilée à nos yeux peut sembler mélancolique, mais au contraire, la situation était tellement tragique que la tragédie se transformait en comédie, faisant de ce moment un épisode ludique qui prenait de la force grâce aux transitions musicales allant de Tchaïkovski à Alice Sara Ott, avec des conceptions et compositions sonores d’Owen Belton, Alessandro Juliani et Meg Roe.

La conception des costumes, signée Nancy Briant, a également contribué à créer une ambiance chevaleresque, avec des épées, des casques et des armures de couleur plate, lesquelles, lorsque reflétées par les éclairages, attiraient davantage mon attention vers la scène.

J’ai personnellement trouvé la finale du spectacle fort innovante, car les danseurs ont utilisé des parties de l’armure afin de former une seule figure de chevalier, créant ainsi un moment particulièrement beau, et j’oserais dire poétique, à savoir une belle illustration qui symbolise l’importance de l’entraide et de la collectivité pour passer à travers des moments difficiles.

L’écriture chorégraphique était par ailleurs très bien réfléchie, et c’était intéressant de voir comment Crystal Pite a su utiliser chaque partie du corps des danseurs pour non seulement créer une danse, mais aussi pour donner vie à tous ces artistes.

Les dialogues, les respirations, les angles de mouvements des interprètes, tout se fusionnait parfaitement avec les ambiances scéniques et sonores, et les transitions se faisaient avec brio grâce à des éclairages et à l’utilisation audacieuse des costumes.

Dialogues, danse, théâtre… tous les éléments étaient au rendez-vous pour un divertissement captivant!

La création «Assembly Hall» de Kidd Pivot en images

Par Michael Slobodian

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