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Crédit photo : Sasha Onyshchenko
Mais quelle est cette histoire d’amour tragique où la mort rôde comme les spectres des Wilis, ces fantômes de fiancées trahies hantant la forêt la nuit venue, lesquelles sont assouvies d’un désir de vengeance auprès de tout malheureux jeune homme osant s’aventurer dans les bois enchantés?
Elle débute par une candide histoire d’amour entre une jeune paysanne, Giselle, et un mystérieux prince, Albrecht, qui est en réalité le duc de Silésie promis à sa fiancée Bathilde. Le pot aux roses est révélé par Hilarion, un garde-chasse éperdument amoureux de Giselle. Celle-ci rejette son amour, ce qui procure à ce dernier un sentiment de jalousie insoutenable.
Surprenant Giselle et Albrecht dans les bois, Hilarion décide d’en apprendre plus sur l’identité du mystérieux Albrecht. Ce sera la découverte de l’épée du duc qui trahira son identité majestueuse, confirmée par Bathilde. À l’annonce de cette nouvelle, Giselle sombre dans le désespoir et la folie… LA scène que toutes les ballerines rêvent d’interpréter.
Giselle, un personnage transcendant
Giselle implique une virtuosité d’incarnation à tous les niveaux: la maîtrise de la technique et des pas, mais tout l’aspect dramatique aussi, de même que l’interprétation d’un éventail d’émotions, de la joie candide à la tristesse, de la folie au courage de pardonner. Un défi de taille relevé par Les Grands Ballets!
Si la première partie peut faire l’éventail de clichés à différents niveaux, sauf sur le plan de l’interprétation, la seconde partie est nettement plus époustouflante, tant au niveau de la scénographie que des chorégraphies.
Une «armée» de Wilis se déploie devant les yeux des spectateurs. Vêtues de tutus blancs immaculés, reflet d’un monde éthéré et évanescent, les ballerines font briller des costumes qui respectent la tradition du «ballet blanc», un monde spirituel bordé de magie et de créatures mystérieuses.
Ce qui pourrait être reproché à la première partie? Un romantisme un peu grossier; un décor muni d’une simple voile meublant l’arrière-scène; des projections d’une forêt de feuillus s’agitant sous le vent; un décor minimaliste qui rappelle une campagne lointaine; des costumes qui rappellent les preux chevaliers ou de simples paysans, alors que les femmes semblent sortir de la Suisse ou de la Pologne, avec leurs robes sur lesquelles sont brodés des tabliers.
Des éléments à mon avis trop naïfs pour bien meubler un premier chapitre, contrairement au second qui est pour le moins spectaculaire. J’ai toutefois réellement apprécié la poésie qui se dessine, à la fois épurée et ténébreuse, en raison du triste sort de ces femmes prisonnières d’un au-delà…
Au niveau des chorégraphies, il faut l’admettre, elles sont envoûtantes. L’entrée en scène de Myrtha, la reine des Wilis, est également impressionnante en soi. Ses pointes résonnent sur la scène comme des copeaux de bois qui s’entrechoquent, traduisant une force, voire un aplomb saisissant. La danse folle dans laquelle les Wilis entraînent Hilarion est hypnotisante.
Quant à lui, le corps du ballerin Célestin Boutin semble ensorcelé, ondulant gracieusement, comme habité par une force, par une gravité. Et enfin, la mélodie jusque-là paisible et obéissante sombre dans une intensité percutante. L’orchestre gronde la vengeance meurtrière. Tout simplement sublime.
Pour libérer Albrecht des Wilis, car il s’est aussi égaré dans la forêt, Giselle dansera jusqu’à l’aube. Une scénographie tout simplement impeccable vous attend. Les projecteurs enveloppent aveuglément Yui Sugawara comme le soleil qui se lève sur ses mouvements névralgiques, infatigables. Les projecteurs s’abaissent tranquillement, la scène devient complètement dépouillée.
Une scène épurée laissant la place entière à une interprète, enchanteresse, séduisante et à couper le souffle!
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Par Sasha Onyshchenko
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