«WIXIW» de Liars: paradoxes électroniques – Bible urbaine

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«WIXIW» de Liars: paradoxes électroniques

«WIXIW» de Liars: paradoxes électroniques

Publié le 2 novembre 2012 par Louis-Jean Trudeau

Créatures hétéroclites de l’art rock expérimental, les membres de Liars jouent avec les attentes de leur public depuis maintenant plus d’une décennie. Autrefois associé au mouvement dance-punk new-yorkais, le groupe a touché à une myriade de styles et de genres, changeant de peau d’un album à l’autre. WIXIW (prononcé «Wish You») marque une nouvelle étape intrigante dans l’évolution du trio.

Liars ne font rien à la légère. Pour la conception de son nouveau disque, le groupe s’est terré dans une cabane mystérieuse au nord de Los Angeles, loin du glamour de la ville des anges. Le but de l’exercice: se réinventer en bloquant toutes les influences extérieures. Paradoxalement, cette isolation du monde moderne a poussé le groupe vers l’écriture de son album le plus électronique à ce jour. Délaissant les compositions angulaires et imprévisibles de leurs deux dernières offrandes, Angus Andrew et compagnie s’abandonnent ici dans l’IDM (intelligent dance music) et ses nombreuses possibilités technologiques.

Cette nouvelle approche apporte une sérénité apaisante à une bonne portion du disque. «The Exact Colour of Doubt» ouvre le bal avec des synthétiseurs nébuleux très près du répertoire ambiant de Brian Eno. Quelques percutions minimalistes apparaissent graduellement pour étreindre les réflexions anxieuses d’Andrew. La froideur électronique d’«Octagon» expose la nouvelle fascination du groupe pour l’étiquette Warp Records (Aphex Twin, Boards of Canada, etc.). C’est une chanson qui pourrait se faufiler aisément sur The Eraser, album solo de Thom Yorke qui contient nombre de références similaires.

Au-delà de ses sonorités robotiques, WIXIW est un album profondément humain. Angus Andrew étale ses confusions amoureuses au grand jour et livre quelques-uns de ses textes les plus honnêtes en carrière. Le Krautrock ensorcelant de «No. 1 Against The Rush» met le doigt très précisément sur les maux relationnels du chanteur. Ancrée par un refrain aussi contradictoire qu’accrocheur («I want you, I want you out»), la pièce synthétise tout le contraste entre la sincérité des paroles d’Andrew et l’aspect artificiel des arrangements du groupe.

Malgré le changement de ton drastique, Liars ne tournent pas complètement le dos à l’espièglerie corrosive qui caractérisait leurs albums précédents. «Brats», bombe techno-punk d’inspiration Primal Scream circa XTRMNTR, a tout pour foutre un beau bordel dans la majorité des raves de la planète. D’autres pièces, comme «A Ring On Every Finger» et «Flood to Flood», flirtent avec l’expérimentation rythmique à laquelle le groupe s’était prêté sur Drum’s Not Dead en 2006.

Encore une fois, Liars arrivent à repousser les limites de leur son avec brio. Muni d’une discographie de plus en plus costaude et d’une grande soif de nouveauté, le groupe s’impose aujourd’hui comme un monstre du rock indé contemporain. Cette transition électronique aura-t-elle un «effet Kid A» pour la carrière de la formation new-yorkaise? Difficile à dire, mais il y a fort à parier que WIXIW fera bonne figure sur les listes de fin d’année.

Appréciation: ****

Crédit photo: www.liarsliarsliars.com

Écrit par: Louis-Jean Trudeau

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