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Crédit photo : Modular Recordings
En effet, seize années se sont écoulées depuis la sortie de Since I Left You, véritable bijou électronique entièrement construit à l’aide d’un incalculable nombre d’échantillonnages musicaux (on en dénombrerait plus de 3 500). Encore aujourd’hui, The Avalanches sont allés plus loin que n’importe quel bidouilleur musical, proposant un collage abouti et varié, avec juste ce qu’il faut d’éclectisme et de nostalgie.
Pour bricoler de la sorte avec la musique, il faut donc savoir prendre son temps. Il ne s’agit pas que de faire des jams durant des sessions d’enregistrement, il faut voyager, explorer et vivre par la musique, avant de vouloir vivre de celle-ci. Alors que plusieurs DJ prennent des raccourcis, The Avalanches continuent de travailler et d’étudier leur environnement pour créer des pièces qui résistent à toutes les tendances et à tous les courants.
Annoncé depuis 2005, Wildflower était donc attendu de pied ferme (et certains avaient déjà sorti la brique et le fanal pour l’accueillir)… Bien que la construction de ce nouvel album ne soit pas aussi aboutie que son illustre prédécesseur, il peut, à plusieurs moments, rivaliser avec celui-ci. Le groupe utilise encore une fois un nombre impressionnant d’échantillonnages allant des années 1940 à 2010, passant allègrement de «Come Together» des Beatles à une chanson éducative de Sesame Street, à un extrait du film The Sound of Music.
Si Since I Left You a été conçu sans aide, The Avalanches peuvent, cette fois-ci, compter sur l’apport de nombreux collaborateurs de talent, comme Toro Y Moi, Father John Misty, Danny Brown, MF Doom, Jonathan Donahue ou Ariel Pink, qui apportent un souffle nouveau à leur musique qui se révèle ici plus orientée vers le hip-hop, la pop et le psychédélisme. Chaque écoute nous révèle un nouveau pan de la personnalité de cet album fascinant, qui tombe à point pour l’été.
Avec Wildflower, The Avalanches emprunte à la vague d’indie-pop qui a émergé dans la dernière décennie pour créer une collection de chansons joyeuses et vivantes, ambiantes et festives, et jamais on a l’impression qu’ils se prennent au sérieux. Le titre simpliste de l’album, visant à ne pas nous distraire de la musique, en est la preuve. Lorsque la cabotine «Frankie Sinatra» suit l’instrumentale rétro et triomphale de «Because I’m Me», on a même l’impression que le groupe nous taquine gentiment. Mentionnons également la magnifique «Colours», avec ses élans de psychédélisme distorsionné (merci, Jonathan Donahue), qui sera suivie plus tard par un hymne humoristique à la gloutonnerie avec «The Noisy Eater», porté par le rap clownesque de Biz Markie.
L’album comprend vingt et une pièces, ce qui est habituellement un facteur aggravant. Or, il n’y a pas de signe de lourdeur ici puisque plusieurs pièces transitionnelles permettent à Wildflower de garder toute son introspection et sa subtilité, malgré sa légèreté. Ce sont de courtes pièces instrumentales comme «Going Home», qui permettent à The Avalanches de basculer de «Subways», une pièce funky assez tranquille, à un incroyable hymne pop estival comme «If I Was A Folkstar», où Toro Y Moi s’illustre particulièrement.
Plusieurs autres moments de grâce comme «Harmony» ou «Kaleidoscope Lovers» viennent enrichir notre expérience auditive et font de Wildflower un tremplin pour faire découvrir (ou redécouvrir) The Avalanches à ceux qui étaient encore en couche-culotte lors de la sortie de Since I Left You. Il y en a vraiment pour tout le monde ici, tant pour les oreilles aventureuses que celles plus festives. Reste à voir comment ces nouveaux morceaux pourront se greffer aux anciens au fil du temps.
Une chose est sûre, s’il faut attendre un autre seize ans pour avoir un autre album aussi convaincant, bien des amateurs de The Avalanches seront cette fois-ci bien disposés à patienter.
L'avis
de la rédaction