«Why you wanna leave, runaway queen?», le second opus de Lisa LeBlanc – Bible urbaine

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«Why you wanna leave, runaway queen?», le second opus de Lisa LeBlanc

«Why you wanna leave, runaway queen?», le second opus de Lisa LeBlanc

Mettre cartes sur table avant de partir

Publié le 3 octobre 2016 par Alice Côté Dupuis

Crédit photo : Bonsound

Elle nous charme depuis sa première offrande homonyme, en 2012, avec ses textes justes qui vont droit au but, son accent acadien, son utilisation du banjo et son astucieux mélange de français et d’anglais qui confèrent tous à sa musique une touche unique. Et même si quelques ingrédients de cette recette gagnante ont changé en cours de route pour la confection de Why you wanna leave, runaway queen?, son deuxième album dans les bacs le 30 septembre, il n’en demeure pas moins que Lisa LeBlanc possède une touche magique qui ravit à tous coups.

Le country-folk de Lisa LeBlanc (2012) avait fait ses preuves, mais il aurait été bien trop facile pour l’artiste de retomber dans ses bonnes vieilles bottes Boulet et d’emprunter le même chemin: c’est à un tournant beaucoup plus rock qu’on a droit sur ce nouvel opus, presque entièrement en anglais. Guitares électriques bien grasses, batteries dynamiques et voix presque criée confèrent une intensité presque généralisée sur les 12 nouveaux morceaux, dont la country-rock «Could You Wait Til I’ve Had My Coffee», qui ouvre le disque.

L’enlevante «City Slickers and Country Boys» fait elle aussi la part belle aux guitares et à la batterie intenses, mais présente néanmoins de belles envolées vocales, malgré la voix presque criée; une intensité maîtrisée qui mène parfois à une voix qui craque un brin, et on aime ça. Mais l’intensité rock de certaines pièces, comme «Ti-gars», où on retrouve la langue française avec cet accent si particulier de Lisa LeBlanc, font qu’on se réjouit quasiment que les morceaux soient courts.

Qu’on aime ou qu’on n’aime pas le tournant rock de l’auteure-compositrice-interprète, il faut avouer qu’elle a brillamment réussi à puiser dans ses expériences personnelles et dans la réalité qui l’entoure pour nous livrer un disque criant – parfois au sens propre comme au sens figuré – d’authenticité. Si on sent toute sa colère lorsqu’elle nous crie «You’re a fake, you’re a front, you’re a scam, a wannabe, an imposter, and I just got screwed!» («(Self-Proclaimed) Voodoo Woman»), on ressent aussi toute son émotion et la sensibilité avec laquelle elle philosophe, de façon plus posée, «two wrongs make a right ‘til they realize they’re in denial» («Why Does It Feel So Lonely (When You Are Around)»).

Malgré quelques paroles ou titres de chansons qui peuvent nous sembler comiques et manquer de sérieux, ce disque témoigne d’une grande sincérité et met cartes sur table de façon très réfléchie. Ainsi, quand elle chante ces vers qui ont donné son titre à l’album, «picture perfect / everything you need / why you wanna leave / runaway queen?» («I Love You, I Don’t Love You, I Don’t Know»), c’est une réelle angoisse qu’on perçoit, une remise en question lucide qui nous assaille, malgré l’entrain avec lequel la pièce aux sonorités country – l’une des meilleures de l’album! – nous est présentée.

La superbe ballade acoustique «5748 km» se révèle elle aussi très franche, alors que LeBlanc calcule tout ce qui la sépare de chez elle, au Nouveau-Brunswick, à Vancouver, là où il y aurait un amoureux. Encore une fois, c’est avec une grande sincérité qu’elle nous ouvre la porte d’une certaine intimité, ces histoires étant réelles ou non; l’important c’est qu’elle nous y fait croire. Son extrême lucidité – bien réelle cette fois -, nous revient en fin de parcours, alors qu’accompagnée uniquement de son fameux banjo, elle reconnaît ses imperfections et ce qu’elle a à travailler afin d’être bien avec elle-même. «25 years old and wishing I were 30, just to feel better in my own skin», avoue-t-elle avec sensibilité.

Si l’enchaînement de certaines chansons est parfois questionnable, comme de faire suivre la toute douce «I Ain’t Perfect Babe» après la très intense reprise d’«Ace of Spades», de Mötorhead (sur laquelle la voix de Lisa est méconnaissable et étonnante), on tombe néanmoins, et inévitablement, pour le beau travail sur les paroles et sur les rythmiques, qui est à son apogée sur l’excellente «Dump the Guy ASAP». Avec son petit feel hawaïen grâce au pedal steel, son güiro et son banjo tout doux, le morceau est comique et beau à la fois dans sa description d’une jolie relation d’amitié. On aime danser sur cet hymne à l’amitié délicat et humoristique, et des lignes comme «Ice cream, Nutella and chips / You name it, I got it» auraient presque le potentiel d’en faire un nouveau «You’ve got a Friend» québécois!

Alors on dit tant mieux si Lisa LeBlanc assume enfin pleinement la rockeuse en elle et qu’elle s’éclate, on accueille à bras ouverts sa liberté créatrice qui n’a rien perdu de son charme, mais la vérité, c’est que pour les auditeurs, les morceaux trop rock perdent les jolies nuances de sa voix et de ses paroles, et l’ensemble des pièces peut rapidement devenir un peu plus plat et monotone.

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