«Thank Your Lucky Stars» de Beach House – Bible urbaine

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«Thank Your Lucky Stars» de Beach House

«Thank Your Lucky Stars» de Beach House

Une surprise comme on les aime

Publié le 3 novembre 2015 par Alexandre Beauparlant

Crédit photo : www.facebook.com/beachhouse

Deux mois à peine se sont écoulés depuis la sortie de Depression Cherry, le cinquième album du groupe originaire de Baltimore. Et pourtant, à l'instar de Radiohead, Beyonce ou encore U2 (prenons une minute de silence pour la mésaventure iTunes de ces derniers), Beach House se permet de nous surprendre en ayant lancé, le 16 octobre dernier, une sixième offrande que personne n'aurait pu prédire en un si bref délai, même les plus devins d'entre nous. Le plus beau dans tout ça, c'est que la magie, ce compagnon fidèle du duo mélancolique, se présente encore au rendez-vous.

Thank Your Lucky Stars reprend là où Depression Cherry nous avait laissés. Les deux albums partagent ainsi ce retour aux valeurs anciennes du groupe, à savoir un son moins chargé, souvent lo-fi (une prédilection pour les percussions synthétiques pré-enregistrées), voire quasi minimaliste sur certaines pistes. En un mot comme en cent: un son moins commercial.

Peu surprenant lorsqu’on apprend queThank Your Lucky Stars et Depression Cherry furent conçus à quelques semaines d’intervalle au cours de l’été 2014.

Lors de la tournée Northern ExposureBeach House choyait le Canada d’un privilège d’exclusivité, on pouvait déjà constater une nette diminution quant à l’utilisation du batteur Daniel Franz, qui se retirait en arrière-scène boire un bon jus de pomme alors que Victoria Legrand et Alex Scally étrennaient certaines compositions inédites («10:37», notamment). Si Franz a quitté la barque depuis, un nouveau batteur occupe désormais sa chaise et la première pièce deThank Your Lucky Stars, répondant au candide nom de «Majorette», s’assure de nous le rappeler en donnant la cadence au morceau le plus lumineux de l’album, bientôt rejoint par le glissement mielleux d’un carillon.

Après le miel, on change vite de condiment, car cette bonne vieille sauce douce-amère typique du groupe revient avec le deuxième titre «She’s So Lovely». Par ailleurs, à peu de choses près, on pourrait parler de Thank Your Lucky Stars comme d’un album conceptuel. Un fil narratif semble relier chacune des pistes de l’album, caractéristique absente des cinq opus précédents. Une collection de souvenirs racontés à la première ou troisième personne, concernant la routine, les espoirs et déceptions d’une jeune fille anonyme: «In the middle of the party / Found a hole to be sorry / Through the glass / Drank a memory of her face» («Rough Song»).

«Don’t you disappear in the mirror again and again» («Elegy to the Void»)

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Ce dernier passage est extrait de la pièce maîtresse de l’opus. L’élégie est une forme poétique représentant le deuil douloureux d’un être aimé, la sensation de vide et d’abandon ressentie. Un sujet jusque-là inexploré par le groupe ami du spleen, ce qui est tout de même étonnant après plus de dix ans d’existence et six albums.

Ceci dit, «Elegy to the Void» se démarque clairement du lot et continue de nous aguicher sur ce que pourrait potentiellement devenir Beach House. «Sparks» l’avait déjà pointé cet été, maintenant rejointe par cette plainte funéraire. Ces chansons sont toutes deux fortement imprégnées d’une saveur shoegaze, de distorsions soniques et d’un crissement des cordes de guitare se mariant à merveille à la couleur bien établie du duo. On sent le début d’une tendance. Pour ma part, j’anticipe la suite avec impatience.

Autre exploration musicale notable, «All Your Yeahs» qui aurait pu se retrouver sur un disque de Chromatics, explorant des tonalités près de l’électro-pop proposée par ces derniers.

Le duo n’hésite pas à fouiller dans son propre lexique musical pour en ressortir des mélodies familières que ne manqueront pas de noter les fans de longue date. Ainsi, «Common Girl» reprend un air entendu sur la pièce «On the Sea», parue sur l’album Bloom en 2012. «Rough Song» évoquera quant à elle des relents de «Lover of Mine» (Teen Dream, 2010) et même encore «Saltwater» (Beach House, 2006). Doit-on s’en plaindre? Oui et non. La première écoute de ces morceaux a de quoi refroidir quelque peu les ardeurs du mélomane en quête de surprise, mais on gagnera à les réécouter. Ne serait-ce que pour se laisser bercer par la voix feutrée de Legrand.

Au fil des albums, Beach House a pour habitude de fermer les livres sournoisement avec un sleeper, pièce qui, de prime abord, semble inoffensive, puis devient au fil du temps un ver d’oreille. «Somewhere Tonight» pourrait être décrite comme la première chanson du groupe pouvant officiellement être utilisée pour danser un slow. Un au revoir semblable à une caresse dans le dos.

Pour conclure, Beach House ne devrait pas s’attirer une marée de nouveaux admirateurs au moyen de cet album s’éloignant encore de la pop dynamique issue des Teen Dream et Bloom, mais livre tout de même un cadeau inespéré aux adorateurs qui suivent le duo depuis leurs débuts crépusculaires. Après avoir couru, Victoria et Alex font quelques pas en arrière avant de s’essouffler, préférant marcher dans une nouvelle avenue et mieux profiter du moment. On ne peut pas leur en vouloir.

Beach House sera de passage à Montréal le 9 mars 2016 au théâtre Rialto.

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