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Crédit photo : www.deathwishinc.com
Quoi qu’il en soit, leur deuxième album, Sunbather, est une œuvre qui visite des extrêmes de façon si accomplie qu’il devient futile d’essayer de catégoriser leur son. On passe, souvent en l’espace de quelques secondes, d’une cacophonie criarde à de doux instants mélodiques où guitares et pianos jouent en une harmonie parfaite. Un peu comme Swans l’a fait en 2012 avec son tonitruent The Seer, Deafheaven va là où seule l’âme peut se retrouver: des chemins sinueux, certes, mais qui semblent devoir absolument être parcourus par le groupe afin de libérer ce qu’ils ont sur la conscience.
La première chanson, «Dream House», est emblématique de ce qui suivra: longue chanson où les cris stridents de George Clarke vont se projeter contre la pesanteur monstrueuse des guitares. Il est bien possible que les hurlements très intenses de Clarke ne fassent pas l’unanimité mais, une chose est certaine, la douleur exprimée est on ne peut plus palpable. Et personne n’a vraiment besoin de savoir ce qu’il chante exactement pour comprendre dans quel état d’esprit il se retrouve. Le tout culmine après environ sept minutes, où une autre guitare encore plus mélodique vient donner un troisième souffle à une chanson qui ne manque pas de rebondissements.
Ensuite vient une accalmie avec «Irresistible», qui porte très bien son nom. La chanson naît des cendres encore brûlantes de la pièce précédente, mais sa mélodie est tellement riche et magnifique qu’elle complémente parfaitement «Dream House». Un peu comme Sonic Youth sur Daydream Nation (1988), Deafheaven réussit à faire apparaître des airs sublimes pendant de lourds vacarmes et vice-versa.
Avec ses nombreux passages difficiles pour les tympans, Sunbather n’est pas une œuvre facile d’approche. La chanson titre, de plus de dix minutes, voit le bassdrum se faire complètement marteler et les guitares se fracasser contre un mur de son infernal. Le morceau frise la folie et rend l’auditeur très tendu. Par contre, le groupe réussit à y marier des passages plus tendres, qui font drôlement penser à The Cure. «Please Remember» est d’une confusion attrayante et fait penser à Mogwai lorsqu’ils sont à leur plus aventureux. Après trois minutes, une guitare acoustique émerge et on sent vraiment l’influence de Swans ressurgir.
Alors qu’on pense que «Dream House» est le chef d’œuvre du groupe, la pièce «Vertigo» est celle qui s’incruste dans notre tête peu à peu et devient, après quelques écoutes, absolument incontournable. Alternant les moments hypnotisant et les envolées apocalyptiques, il est encore une fois impossible de saisir ce que chante Clarke. Ceux qui n’aiment pas les longues pièces auront toutefois de la difficulté à se rendre jusqu’au bout de ce morceau de quinze minutes.
Sunbather est donc un opus qui s’adresse aux âmes sensibles. Paradoxalement, sa musique s’adresse à des oreilles pas trop sensibles. Le groupe a réussi ici le genre d’album qu’il est possible de faire seulement une fois dans une carrière, tellement son ambition et sa portée sont infinies. Il est difficile de voir comment le groupe pourra faire suite à un tel disque sans tomber dans une caricature embarrassante.
L'avis
de la rédaction