«Rave Tapes» de Mogwai – Bible urbaine

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«Rave Tapes» de Mogwai

«Rave Tapes» de Mogwai

On l’aurait aimé aventureux et fougueux

Publié le 25 février 2014 par Emmy Côté

Crédit photo : Sub Pop

En 2013, les grands maîtres du post-rock s’étaient montrés impressionnants sur la bande originale de la télésérie française Les revenants. Les compositions adoptaient un ton introspectif et lourdement atmosphérique, et épousaient bien le sujet, ces morts-vivants qui tentent de reprendre leur vie là où ils l'ont laissée. De retour avec un huitième album studio, la bande originaire de Glasgow semble voguer sur la même mer avec Rave Tapes, si ce n’est que les rames trempent légèrement plus dans l’électronique.

Rien de très nouveau à l’horizon donc. Mais, faut-il s’en étonner, puisque on ne peut pas dire que Mogwai se renouvelle tellement depuis une décennie maintenant. En effet, le band écossais semble s’enfermer dans un carcan dont il ne sort plus vraiment, nous remâchant souvent les mêmes structures de compositions, et pis encore, d’albums.

Avec Rave Tapes, la formation s’éloigne toujours des épisodes chaotiques et bruyants qui avaient fait sa réputation à la fin des années 1990. On ne reconnaît plus aujourd’hui le Mogwai impétueux, repoussant toutes les limites, de Young Team (1997). Oubliez les chefs d’œuvres de guitares en cascades qui pouvaient vous occasionner une mini arythmie cardiaque à leur apogée. Vous ne trouverez pas de «Mogwai Fears Satan» et «Like Herod» sur ce disque tout neuf.

Tel qu’on l’avait remarqué avec Hardcore Will Never Die But You Will (2011), Mogwai se soucie davantage des détails, devenant de plus en plus minutieux dans le travail des différentes couches sonores. Les guitares ont perdu, beaucoup et simultanément, de leur aplomb ordinaire. Idem pour la batterie. Ceci pour ne pas dire que Mogwai a ramolli avec le temps. Le groupe est encore capable de bons coups, mais on se délecte moins des récentes offrandes, mis à part peut-être la trame sonore offerte l’an passé. Mogwai ne trébuche jamais, toutefois il cafouille un peu.

La première piste, «Heard About You Last Night», prouve d’emblée ce point. Bien sûr, c’est un beau morceau qui s’écoute sans fatigue ni effort, avec ses sons organiques oscillateurs et subtils, ses notes de piano douces et lointaines, mais admettons que notre mâchoire ne traîne pas à terre lorsque celui-ci se termine. Le titre reprend plusieurs des meilleurs atouts de Mogwai. Mais, vous savez, ce sont ces atouts mille fois explorés, se retrouvant offerts sans le moindre risque. L’album s’ouvre ainsi sous l’égide la prudence et on se voit d’abord déçu.

Le virage amorcé vers l’électronique, est plus perceptible sur la chanson «Simon Ferocious», renfermant un je-ne-sais-quoi de l’étourdissante «Mexican Grand Prix». Les guitares sont affirmatives, pour un rendu qui se veut ultimement soutenu et brillamment calculé. Toutefois, le seul véritable saut périlleux de Mogwai sur Rave Tapes se produit ensuite.

Sur «Remurdered», le groupe est pratiquement méconnaissable. Le son y est totalement surprenant, plongeant volontairement dans le monde de l’électro. Le rythme nous retient solidement à son filet. La chanson sonne drôlement comme un jeu de Nintendo et ça plaît. La batterie est agace, on ne l’entend que furtivement, venant et disparaissant comme si elle se livrait à une partie de cache-cache. Enfin, Mogwai ose! On déplore que la bande de musiciens ne se soit pas laissé inspirer davantage par cette voie.

«No Medicine For Regret» est également un morceau abouti, proche de ce qu’on connaît déjà de la formation, hormis que le synthé apparaît plus fondamental et vintage. Puis il y a aussi «Blue Hours», délicatement chanté par Stuart Braithwaite. Le titre conserve tout au long une tonalité basse qui se voit relevée d’un soupçon très pinkfloydesque.

Par contre, Rave Tapes présente aussi quelques maillons assez faibles. «Hexon Bogon» évoque facilement le post-rock typique des dernières années en plus d’avoir le défaut d’être trop courte. On s’ennuie du côté primitif et expressif de Mogwai qui pouvait s’étirer longuement (de sept à dix minutes). De plus, on aurait pu se passer de «The Lord Is Out of Control» chanté au vocodeur. Non seulement l’utilisation n’est pas nouvelle, mais ici on se retrouve avec une pièce peu sentie. N’y voyez aucune similitude avec les chansons de l’album Happy Songs for Happy People (2003). Finalement, on ne s’éternise pas sur le cas de «Master Card», un mauvais choix penchant vers le trad rock, qui n’a pas sa raison d’être sur cet opus.

En définitive, ce LP est bon, mais Mogwai ne se métamorphose pas suffisamment. II n’arrive pas à repousser complètement les barrières, c’est-à-dire qu’il les entre-ouvrent, sans traverser de l’autre côté. Il hésite et on le perçoit. Les gourous écossais du post-rock ont certainement raté une belle opportunité d’époustoufler leur fidèle auditoire. Car, Mogwai a bel et bien une horde de disciples prêts à le suivre partout. Qu’est-ce que le groupe avait à perdre réellement? Mogwai a sincèrement tout à gagner, s’il parvient à se libérer de l’enceinte qui le retient prisonnier.

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